Le principal outil de travail utilisé par les chercheurs qui étudient le contenu des rêves est l’analyse de contenu. Bien que les échelles d’analyse quantitative de contenu onirique existent depuis plus de 40 ans et qu’elles soient aujourd’hui bien validées, elles ont rarement été utilisées pour étudier des comptes rendus de rêves rapportés dans des œuvres littéraires. Il nous a donc paru utile d’appliquer ce type d’analyse au contenu des récits de rêves littéraires de la base www.reves.ca. Au total, 545 récits ont été étudiés, dont 355 aux XXe et XIXe siècles, 116 aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, époque dorénavant désignée comme la «période intermédiaire», et 74 au Moyen-Âge.
Mais qu’entend-on exactement par analyse quantitative de contenu? Cette méthode consiste à classer par catégories des unités de contenu qualitatif de manière à calculer des fréquences d’occurrence pour chacune de ces catégories à travers des séries de rêves, de sorte qu’elles puissent ensuite être soumises à des analyses statistiques sous forme de pourcentages, de proportions ou de ratios. Qu’ils œuvrent en psychologie, en sciences cognitives, en sociologie ou en anthropologie, les chercheurs qui étudient les rêves considèrent généralement que l’analyse de contenu est une méthode très fiable et empiriquement légitime (Domhoff, 1996; 2003; Haskell, 1986). L’objectif majeur de l’analyse de contenu est d’appliquer une méthode scientifique à l’étude des rêves en transformant ces phénomènes subjectifs en données «publiques» susceptibles d’être évaluées de façon objective. Concrètement, il s’agit ici de coder les divers éléments de la narration à l’aide d’échelles d’appréciation.
Il existe plus de 150 échelles servant à évaluer et à analyser le contenu des rêves (Winget & Kramer, 1979). Les échelles construites par Hall et Van de Castle (1966) sont parmi les plus utilisées et les mieux validées. La plupart des échelles de Hall et Van de Castle sont empiriques (basées sur le contenu des rêves) et elles portent sur divers éléments du rêve, comme le lieu (à l’intérieur, à l’extérieur, ambigu, familier), les personnages (leur nombre, leur sexe, leur identité), les interactions sociales (amicales, agressives, sexuelles), les émotions (colère, inquiétude, bonheur, tristesse, confusion), pour n’en nommer que quelques-uns.
Au plan des unités considérées, nous avons dû tenir compte de la nature de notre corpus. Certains récits littéraires rapportent plusieurs rêves à la fois. Dans ces cas particuliers, la cotation de la base de données rapporte en un seul point les données. Autrement dit, les rêves d’un même récit sont « fusionnés » avant que la cotation soit rapportée dans la base. Par exemple, si un récit contient à lui seul trois rêves, il se peut qu’un seul de ces trois rêves soit un cauchemar. Dans ce cas, la base de données contiendra la mention «cauchemar» sous la rubrique «type de rêve» sans précision quant au rêve concerné.
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Extrait de l'article «Analyse quantitative du contenu des récits de rêves littéraires du Moyen Age au XXe siècle», par Antonio Zadra et Elizabeth Décary, publié dans Le récit de rêve. Collectif sous la direction de Christian Vandendorpe. Québec. Éditions Nota Bene. 2005.