Un résumé des résultats est présenté aux Tableaux 1 et 2. Des données comparatives sont fournies pour les différentes catégories d’éléments oniriques. Ces données comparatives ont été calculées à partir des 1910 comptes rendus de rêves recueillis auprès de plus de 100 adultes francophones «normaux» qui ont noté leurs rêves durant deux à quatre semaines dans un cahier réservé à cet effet (études effectuées en 1991, 2000, et 2001) .
Les résultats indiquent que de façon générale, les récits de rêves littéraires sont similaires aux rêves de tous les jours. Par exemple, les émotions rapportées par les sujets normaux dans leurs rêves suivent la même tendance que les données des rêves littéraires. En effet, dans les deux groupes, le nombre d’émotions négatives surpasse le nombre d’émotions positives. De plus, tout comme dans les rêves de notre corpus, la peur est l’émotion négative la plus souvent rapportée et la joie, l’émotion positive la plus fréquente.
Par contre, une différence notable entre les rêves littéraires et les rêves quotidiens se situe dans la présence de personnages symboliques puissants, tels que spectres, anges ou créatures mythiques. Ces types de personnages, extrêmement rare dans les rêves de tous les jours, occupent une proportion considérable des récits de rêves littéraires. Étant donné que ces derniers visent souvent à transmettre ou à révéler des facettes importantes du rêveur, le recours à de tels personnages n’est pas surprenant. Une explication similaire peut aussi rendre compte de la présence relativement fréquente de cauchemars et de mauvais rêves dans notre corpus de rêves littéraires.
En somme, les résultats montrent qu’à travers différentes époques, les auteurs de récits de rêves littéraires privilégient le contenu onirique négatif par rapport aux éléments positifs. Les interactions agressives se produisent plus fréquemment que les interactions amicales, les malchances sont beaucoup plus nombreuses que les événements heureux et les personnages dans les rêves sont plus susceptibles de subir des échecs que d’obtenir du succès. Si l’on considère les rêves comme reflétant les préoccupations, les difficultés ou l’état émotionnel actuels du rêveur, alors la prédominance d’éléments oniriques négatifs dans les récits de notre corpus peut être considérée comme témoignant des événements perturbateurs et des luttes intérieures que vivent les héros de ces récits.
|
DONNÉES DES RÊVES LITTÉRAIRES | DONNÉES COMPARATIVES | |||
Moyen-Âge (74 récits) |
Période intermédiaire (116 récits) |
XIXe-XXe siècles (355 récits) |
Total (545 récits) |
Données de notre laboratoire (1910 récits) |
|
ÉMOTIONS NEGATIVES | % | % | % | % | % |
Peur |
13.5 |
19.8 |
23.7 |
21.5 |
16.3 |
Autres émotions négatives |
8.1 |
25.9 |
33.5 |
28.5 |
16.0 |
Total (émotions négatives) |
21.6 |
45.7 |
57.2 |
50.0 |
32.3 |
ÉMOTIONS POSITIVES |
|
|
|
|
|
Joie |
2.7 |
18.1 |
14.1 |
13.4 |
11.4 |
Autres émotions positives |
0 |
15.5 |
16.9 |
14.3 |
6.3 |
Total (émotions positives) |
2.7 |
33.6 |
31.0 |
27.7 |
17.7 |
Ratio émotions négatives : émotions positives |
8 : 1 |
1.36 : 1 |
1.85 : 1 |
1.77 : 1 |
1.83 : 6 |
Tableau 1. Catégories d’émotions selon les différentes époques et données comparatives.
|
Moyen-Âge (74 récits) |
Période intermédiaire (116 récits) |
XIXe-XXe siècles (355 récits) |
Total (545 récits) |
Données de notre laboratoire (1910 récits) |
|
% |
% |
% |
% |
% |
PERSONNAGES |
|
|
|
|
|
Spectre |
0 |
16.4 |
9.3 |
9.5 |
0.21 |
Ange |
5.4 |
1.7 |
1.4 |
2.0 |
0.05 |
Création mythique |
0 |
12.1 |
5.9 |
6.4 |
0.05 |
Diable |
1.4 |
2.6 |
1.1 |
1.5 |
|
Dieu |
1.4 |
1.7 |
1.4 |
1.5 |
0.05 |
VARIABLES DE CONTENU |
|
|
|
|
|
Interaction agressive |
74.3 |
69.0 |
49.3 |
56.9 |
28.7 |
Interaction amicale |
47.3 |
64.7 |
47.6 |
51.2 |
34.6 |
Malchance |
33.8 |
44.8 |
60.3 |
53.4 |
46.5 |
Chance |
1.4 |
4.3 |
3.4 |
3.3 |
1.9 |
Échec |
8.1 |
13.8 |
7.0 |
8.6 |
3.9 |
Succès |
2.7 |
3.4 |
5.1 |
4.4 |
6.1 |
CATÉGORIES DE RÊVES |
|
|
|
|
|
Prémonitoire ou paranormal |
51.4 |
20.7 |
7.0 |
16.0 |
N/A |
Cauchemar |
48.6 |
41.4 |
32.4 |
36.5 |
12.5 |
Lucide |
|
|
3.4 |
2.2 |
5.2 |
Récurrent |
|
2.6 |
8.7 |
6.2 |
1.6 |
Tableau 2. Cotation des rêves littéraires selon les différentes époques et données comparatives
Bibliographie
DOMHOFF, G. W. (1996). Finding Meaning in Dreams: A Quantitative Approach. New York: Plenum Press.
DOMHOFF, G. W. (2003). The Scientific Study of Dreams: Neural Networks, Cognitive Development, and Content Analysis. Washington: American Psychological Association.
HALL, C. S., & VAN DE CASTLE, R. L. (1966). The content analysis of dreams. New York: Appleton Century Crofts.
HASKELL, R. E. (1986). «Cognitive psychology and dream research: Historical, conceptual, and epistemological considerations.» Journal of Mind and Behavior, 7, 131-159.
NIELSEN, T.A., ZADRA, A., SIMARD, V., SAUCIER, S., KUIKEN, D., SMITH, C. (2003). «Typical dreams of Canadian university students». Dreaming, 13, 211-235.
NIELSEN, T.A., ZADRA, A., GERMAIN, A., & MONTPLAISIR, J. (1999). «The typical dreams of sleep patients: Consistent profiles with 284 new cases.» Sleep, 22 (supple¬ment): S177-178.
VAN DE CASTLE, R. L. (1994). Our dreaming mind. New-York: Ballantine Books.
WINGET, C., & KRAMER, M. (1979). Dimensions of dreams. Gainsville: University of Florida Press.
ZADRA, A., & NIELSEN, T.A. (1999). «The 55 typical dreams questionnaire: Consistencies across three student samples.» Sleep, 22 (supplement): S175.
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Extrait de l'article «Analyse quantitative du contenu des récits de rêves littéraires du Moyen Age au XXe siècle», par Antonio Zadra et Elizabeth Décary, publié dans Le récit de rêve. Collectif sous la direction de Christian Vandendorpe. Québec. Éditions Nota Bene. 2005.