Honoré de Mirabeau
Lettres écrites du donjon Genre de texte Contexte Texte témoin
correspondance
Pendant les quatre ans qu’il est emprisonné dans le donjon de Vincennes, Mirabeau écrit à sa maîtresse Sophie de Monnier, elle-même enfermée dans un couvent. Il lui raconte ici un songe qui révèle son désir de se trouver auprès d’elle.
Lettres originales de Mirabeau écrites du Donjon de Vincennes. Paris, Garnery. Strasbourg, Treuttel. Londres, De Boffe. 1792, p. 91. BNF, Gallica.
Passion brûlante
à Sophie.
27 août 1777.
J’ai beaucoup saigné du nez cette nuit, mon adorable amie, et cela m’a réveillé au milieu d’un songe bien doux. J’étais avec toi à P. Nous étions seuls; j’humectais de mes lèvres tes paupières mourantes où pesait le doux poids de mes baisers. Je séparais ta bouche en deux roses, et, descendant toujours, je m’ouvrais un passage dans tes plus secrets appas. Je t’enveloppais de mon amour; nos coeurs s’appelaient, se répondaient : nos haleines unies formaient de voluptueux murmures; des soupirs entrecoupés tenaient lieu de nos voix qui n’étaient plus; je venais d’expirer : ton ame allait suivre la mienne...mais, hélas! Cette illusion a fui comme une vapeur légère... ô mon amie! Ces rêves brûlans m’offrent l’objet que je désire; mais je n’en saurais jouir... s’ils donnent quelque plaisir, il est sitôt évanoui! Loin d’appaiser la soif qu’il procure, il ne sert qu’à la redoubler.