Fédor Dostoïevski

Les Frères Karamazov

Russie   1880

Genre de texte
Roman

Contexte
Dmitri Fiodorovitch Karamazov, qui a le surnom de Mitia, est accusé d’avoir tué son père, Fiodor Pavlovich Karamazov. Il se fait alors interroger par le juge d’instruction Nikolaï Parfionovitch Nélioudov et par le lieutenant-colonel à la retraite, requalifié en conseiller surnuméraire Mikhaïl Makarovitch Makarov. Dmitri Fiodorovitch se sent persécuté par ceux qui l’interrogent, car ils ne cessent de l’interrompre et de lui poser des questions auxquelles il n’a pas les réponses ou auxquelles il ne veut pas répondre.

Texte témoin
Les Frères Karamazov, Volume 2, Actes Sud, 2002, p. 261-262.




Rêves de Dmitri 1

L’ombre qui me persécute

– Voyez-vous, messieurs, reprit-il soudain, en se dominant lui-même au prix de grands efforts, vous voyez. Je vous écoute, et j’ai comme l’impression… voyez-vous, il y a un rêve qui me revient de temps en temps… un rêve comme ça, et je le fais souvent, il se répète, il y a quelqu’un qui me poursuit, quelqu’un, je ne sais pas, dont j’ai une peur terrible, il me poursuit dans le noir, la nuit, il me cherche, et, moi, je me cache, n’importe où, derrière une porte, ou derrière une armoire, je me cache d’une façon humiliante, et, surtout, il le sait parfaitement, où je me suis caché, mais, lui, c’est comme s’il faisait semblant, exprès, qu’il ne le savait pas, où je suis, juste pour faire durer la torture, jouir de ma peur… C’est ça que vous faites en ce moment! À ça que ça ressemble!
– Parce que vous faites des rêves comme ça? s’enquit le procureur.
– Oui, je fais des rêves comme ça… Ça aussi, vous voulez le noter ? ricana Mitia d’un air torve.
– Non, ce n’est pas pour le noter, mais ils sont tout de même curieux, vos rêves.
– Maintenant, ce n’est plus un rêve ! C’est le réalisme, messieurs, le réalisme de la vie réelle ! Je suis un loup, et, vous, vous êtes les chasseurs, bon, vous traquez le loup.

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