Anaïs Nin

Journal, 1955-1966

États-Unis   1958

Genre de texte
Journal

Contexte
Ce récit se trouve à l’entrée du printemps 1958. Maria Schell et Greta Garbo sont des actrices.

Texte original

Texte témoin
Journal, 1955-1966, Paris, Stock, 1977, 175.

Édition originale
The Diary of Anaïs Nin, 1955-1966, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1976, p. 135.





La pension

Rêve : j’habite dans une sorte de pension. J’ai une petite chambre où j’écris. Toutes les autres chambres sont occupées. Un homme hideux, marqué de petite vérole, m’invite dans sa chambre, alors qu’il monte l’escalier. Je lui dis que je suis trop occupée. Maria Schell occupe une chambre. Un jeune homme roux interrompt une conversation avec moi pour rejoindre des filles de son âge. Je perds ma clé. Un couple arrive qui veut entrer d’urgence. Je dis que cela n’a pas d’importance pour la clé, j’entrerai par la fenêtre. Je l’ouvre. Il y a un secrétaire ancien contre le mur. Je le touche et il commence à tomber en morceaux. Il faut que je le soutienne. Quelque part dans la maison il y a ma mère, mais je ne la vois pas. Je monte au dernier étage, mais par erreur j’entre dans une autre chambre. Les occupants dorment, et je remarque que le gaz fuit. Je bouche la fuite. Une sonnette d’alarme retentit. Je commence à frapper à toutes les portes pour faire sortir tout le monde. Maria Schell répond furieuse: «Laissez-moi tranquille, je ne sortirai pas.» Les autres vident les lieux. J’ai le problème habituel du sauvetage du Journal, mais cette fois-ci (à la différence des autres rêves) je sors sans emporter les cahiers. La sonnette ressemble à une sirène de raid aérien. En bas dans la cour je vois une foule. Greta Garbo est là habillée luxueusement en velours gris argenté, avec un large chapeau. Je semble être seule, sans rapport avec personne d’autre, tous sont des pensionnaires. Il y a des couples, et des célibataires. Avec un autre groupe j’ai une discussion sur le symbolisme, comment à une époque il a été négligé, et comment il vole maintenant de ses propres ailes.

L’atmosphère me rappelait celle de notre maison de la 75e Rue. C’est à cela que je pensais en me réveillant. Souvenirs de la 75e Rue Ouest. La maison de grès rouge. Chambres louées. Nous habitions au deuxième étage. J’avais quinze ans; je n’étais pas dans la vie. Je n’aimais pas ces étrangers dans la maison. Cela m’humiliait. J’avais de nombreuses tâches. Je n’étais intime avec aucun des locataires.

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