Rémi Savard

Contes indiens de la Basse Côte-Nord du Saint-Laurent

Québec   1979

Genre de texte
Conte

Contexte
Extrait du conte intitulé «Le renard roux» (p. 15-17).

Songe prémonitoire du renard quant à la mort du lièvre, trop étourdi pour écouter son ami et pour être sauvé d’une mort violente. La morale de ce conte est puissante, comme le sont par ailleurs certaines Fables de La Fontaine, qui font appel aussi aux animaux.

Édition originale
Contes indiens de la Basse Côte-Nord du Saint-Laurent, Ottawa, Musées nationaux du Canada, 1979, p. 16-17.




Rêve prémonitoire

Le songe du renard

Quand ils eurent mangé, le lièvre et le renard dressèrent leur tente. Assis tous les deux, ils observèrent le lac devant eux. Là-bas il y avait une passe. Le renard eut un songe. Il dit au lièvre : «J’ai rêvé aux loups. Ils étaient venus ici. Toi tu iras sur la pointe au milieu du lac. Tu t’y assoiras et tu surveilleras tout autour de toi. Quand, dans mon rêve, les loups atteignirent l’endroit où tu étais, je t’ai crié de revenir ici. Mais comme tu as refusé de m’obéir, ils se sont rués sur toi. Au milieu du lac, il n’y avait plus que ton estomac.». Or le lièvre dit : «Arrête ces mensonges. C’est plutôt à toi que cela arrivera, toi qui ne sais pas courir. Les loups te tueront, toi qui n’as qu’une seule patte. Moi, au contraire, je pourrai courir. Ils ne pourront me tuer. Regarde comment je m’y prendrai». Le lièvre se mit à courir dans la tente. Il sautait de part et d’autre de leur feu. «Voilà comment je ferai. Toi il te tuera. Regarde encore comment je m’y prendrai». Aussitôt qu’il eut dit cela, il disparut. Le renard ne le voyait plus.«Siffle donc ! Siffle donc !», lui dit le renard. Le lièvre se trouvait sous les braises. Le renard le vit. «Siffle encore !» le renard le cherchait. Le lièvre siffla de nouveau. Le lièvre était cette fois sur le bois de chauffage à l’extérieur de la tente. «C’est ainsi que j’agirai», dit le lièvre.

Le lendemain le lièvre se rendit au milieu du lac. Il s’écrasa sur les talons. Au bout d’un moment les loups arrivèrent en courant.«Ce doit être le lièvre. Il est arrêté», dirent les loups.«Reviens !», lui cria le renard. Mais le lièvre resta là-bas. Les loups le rejoignirent et il se mit à courir. Ils sautèrent sur lui. Ils ne mirent pas de temps à le manger. Au milieu du lac, il ne restait que son cœur. «C’est bien ce que j’avais prévu !», dit le renard. C’est la fin.

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