George Orwell
Animal Farm Genre de texte Contexte Texte original Texte témoin Animal Farm , Toronto : Penguin Books, 1996, p.27-33.
roman
Chapitre 1. Sage l’Ancien, un cochon hautement estimé, fait un rêve qu’il partage avec les autres animaux de la ferme. Son discours déclenchera une révolution.
La ferme des animaux, trad. Jean Quéval, Paris : Gallimard, 1994, p.27-40.
Animaux de tous les pays…
Camarades, vous avez déjà entendu parler du rêve étrange qui m’est venu la nuit dernière.
... « Maintenant, camarades, je vais vous dire mon rêve de la nuit dernière. Je ne m’attarderai pas à le décrire vraiment.
La terre m’est apparue telle qu’une fois délivrée de l’Homme, et cela m’a fait me ressouvenir d’une chose enfouie au fin fond de la mémoire. Il y a très longtemps, j’étais encore cochon de lait, ma mère et les autres truies chantaient souvent une chanson dont elles ne savaient que l’air et les trois premiers mots. Je connaissais cet air lorsque j’étais très jeune, mais je l’avais oublié depuis longtemps. Or, dans mon rêve de la nuit dernière, je l’ai retrouvé. Et les paroles aussi me sont revenues — des paroles, j’en suis sûr, que jadis ont dû chanter les animaux, avant qu’elles se perdent dans la nuit des temps. Mais maintenant, camarades, je vais la chanter pour vous. Je suis d’un âge avancé, certes, et ma voix est rauque, mais quand vous aurez saisi l’air, vous vous y retrouverez mieux que moi. Le titre, c’est Bêtes d’Angleterre. »
Sage l’Ancien se racla la gorge et se mit à chanter. Sa voix était rauque, ainsi qu’il avait dit, mais il se tira bien d’affaire. L’air tenait d’Amour toujours et de La Cucaracha, et on en peut dire qu’il était plein de feu et d’entrain. Voici les paroles de la chanson :
Bêtes d’Angleterre et d’Irlande,
Animaux de tous pays, de tous climats
Prêtez l’oreille à l’espérance
Un âge d’or vous est promis
Tôt ou tard le jour viendra
Où l’homme tyran chassé
Les champs fertiles d’Angleterre
De nous seuls seront foulés.
Plus d’anneaux qui pendent au nez,
Plus de harnais sur nos échines,
Plus de mors, plus d’éperons à jamais rouillés
Les fouets cruels ne claqueront plus
Des fortunes mieux qu’en nos rêves,
De blé, d’orge, d’avoine et de foin,
De trèfles, de haricots et de raves
Seront à nous ce jour-lÃ
Ô comme brilleront les champs d’Angleterre
Et plus pure sera l’eau d’ici
Plus doux aussi soufflera le vent
Du jour où l’on sera affranchi
Ce jour-là , préparons-le tous
Bien que l’on meure avant le temps
Vaches et chevaux, oies et dindons
Oeuvrez tous pour la liberté
Bêtes d’Angleterre et d’Irlande,
Animaux de tous pays, de tous climats
Prêtez l’oreille à l’espérance
Un âge d’or vous est promis.