Alice Munro

Le don d’épeler

Canada   1978

Contexte
Rose est retournée à sa ville natale, Hanratty, pour mettre sa belle-mère, Flo, à l’hospice.

Texte original

Texte témoin
«Le don d’épeler», Pour qui te prends-tu?, Traduit de l’anglais par Colette Tonge, Montréal : Québec /Amérique, 1981, p. 267-68.




Rose

Flo dans une cage

Rose avait rêvé. Elle avait fait un rêve qui était évidemment lié à sa visite à l’hospice, la veille.

Quelqu’un lui faisait traverser un grand bâtiment où il y avait des gens dans des cages. Tout était d’abord sombre, plein de toiles d’araignées, et Rose s’était plainte du piètre aspect du lieu. Mais plus loin, les cages devinrent plus grandes et plus raffinées : on aurait dit de gigantesques cages à oiseaux, en vannerie, des cages à la mode victorienne, de forme bizarre, très ornées. On était en train d’offrir à manger aux gens qui se trouvaient dans les cages et Rose, regardant ce qu’on leur présentait, vit qu’il y avait un choix : mousse au chocolat, gâteau « Forêt noire ». C’est alors que Rose découvrit Flo, dans une des cages : superbement installée dans un fauteuil en forme de trône, elle épelait des mots d’une voix claire, pleine d’autorité (le souvenir s’estompant, Rose ne savait plus quels étaient ces mots), contente d’elle, contente de révéler des dons qu’elle avait jusqu’alors tenus cachés.

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