Roger Vailland

La Fête

France   1960

Genre de texte
Roman

Notes
Ce rêve est très semblable à celui que raconte Milan dans Les mauvais coups, dans lequel la femme est comparée à une jument.

Texte témoin
La Fête, Lausanne, éditions Rencontre, 1967, p. 202.




Rêve de Duc

La montagne

« Un après-midi, après sa désintoxication, couché dans la prairie, la montagne au printemps, tué d’ivresses, il avait rêvé d’une grande fille qui courait nue dans l’herbe haute ; des gouttes de rosée perlaient sur ses cuisses longues ; il la poursuivait ; elle n’allait pas très vite, exactement son train ; de temps en temps, elle se retournait et lui souriait, comme pour l’encourager ; elle était sûrement d’accord pour l’aimer ; mais elle ne ralentissait pas, et il s’essoufflait vainement à vouloir l’atteindre, l’adolescente. (…) La montagne comme le corps de la femme, avec des zones d’ombre et de lumière, des fraîcheurs, des chaleurs et des parfums où l’on plonge, et toutes ces sources, frappées de lance, où boire. La grande fille approchait des crêtes dénudées. Lui, les herbes toujours plus hautes le retenaient. L’adolescente se retournait, lui souriait, ses grandes foulées se faisaient de plus en plus lentes. Mais à la base d’un névé il s’enlisa dans la neige fondante et, malgré son effort, son halètement, sa passion, la distance de lui à elle restait toujours égale. Elle atteignait la crête, elle allait disparaître. Il se réveilla en sueur, la bouche sèche, frappant du pied, de toutes ses forces, la neige et l’eau, le ventre de sa femme, le ventre de sa mère.

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