Haruki Murakami

« Le couteau de chasse  »

Japon   2010

Texte témoin
« Le couteau de chasse  », dans Saules aveugles, femme endormie, traduction française de Hélène Morita, Paris, Belfond, collection 10/18, 2010, p. 148-149.




Le couteau

Un cauchemar calme

Je fais parfois ce rêve. Il y a un couteau planté de travers dans la partie souple de ma tête, là où résident les souvenirs. Il est enfoncé profondément à l’intérieur. Cela ne me fait pas spécialement mal. Je n’en sens pas le poids non plus. Simplement, il est là, planté dans ma tête. Je me tiens à part, et j’observe la scène comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. J’aimerais que quelqu’un retire ce couteau. Mais personne ne sait que j’ai un couteau fiché dans le cerveau. Je voudrais pouvoir l’enlever moi-même mais je ne parviens pas à ce que mes mains atteignent l’intérieur de ma tête. C’est extrêmement bizarre. J’ai pu me poignarder mais je suis incapable de retirer le couteau. Ensuite, tout commence à disparaître. Moi aussi, je me mets à m’estomper. À la fin, il ne reste que le couteau. Le couteau est là jusqu’au bout. Comme les os d’un animal préhistorique sur une plage. Voilà mon rêve.

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