George Sand

Histoire de ma vie

France   1855

Genre de texte
mémoires

Contexte
Le rêve se situe dans la suite de la deuxième partie du roman, qui en compte cinq.

Dans cette partie, Georges Sand se rappelle ses premiers souvenirs d’enfance dont fait partie un polichinelle qu’elle a reçu en cadeau. Comme elle avait peur que le polichinelle fasse du mal à sa poupée, elle refusait de ranger le jouet dans l’armoire avec cette dernière et le laissait dormir sur le poêle dans sa chambre. Elle rêve un soir de ce polichinelle.

Notes
Ce rêve remonte à l’époque où George Sand avait moins de quatre ans.

Texte témoin
Oeuvres complètes, T. 40, 41, 42, 43, Paris, Calmann-Lévy, 1879, p. 163.




Un rêve d’enfance 1

Un polichinelle déchaîné

Je reviens à mon polichinelle qui reposait sur le poêle, étendu sur le dos et regardant le plafond avec ses yeux vitreux et son méchant rire. Je ne le voyais plus, mais, dans mon imagination, je le voyais encore, et je m’endormis très-préoccupée du genre d'existence de ce vilain être qui riait toujours et qui pouvait me suivre des yeux dans tous les coins de la chambre. La nuit, je fis un rêve épouvantable : polichinelle s’était levé, sa bosse de devant, revêtue d’un gilet de paillon rouge, avait pris feu sur le poêle, et il courait partout, poursuivant tantôt moi, tantôt ma poupée qui fuyait éperdue, tandis qu’il nous atteignait par de longs jets de flamme. Je réveillai ma mère par mes cris. Ma soeur, qui dormait près de moi, s'avisa de ce qui me tourmentait et porta le polichinelle dans la cuisine, en disant que c'était une vilaine poupée pour un enfant de mon âge. Je ne le revis plus. Mais l'impression imaginaire que j'avais reçue de la brûlure me resta pendant quelque temps, et, au lieu de jouer avec le feu comme jusque-là j'en avais eu la passion, la seule vue du feu me laissa une grande terreur.

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