Edmond et Jules de Goncourt

Charles Demailly

France   1860

Genre de texte
roman

Contexte
Le rêve se situe au chapitre xxi du roman qui en compte xciv.

Charles Demailly qui tente d’écrire un roman reçoit, en septembre, une lettre de Bade écrite par son ami et ancien collègue journaliste Nachette. Ce dernier lui raconte un rêve qu’il a fait après s’être livré à des jeux de hasard toute la journée, en compagnie de Minet, Blaizard et d’un vaudevilliste. Nachette termine la lettre en demandant à Charles de lui prêter de l’argent pour régler ses dettes.

Notes
Montbaillard est le directeur du journal pour lequel travaille Nachette.

Texte témoin
Paris, Charpentier, 1876, p. 103-104.




Un rêve de liberté d’un journaliste

La fortune

Je dors comme un pieu, mais des rêves! ... j’avais fait sauter la banque. M Bénazet, de désespoir, avalait le râteau d’un croupier. Je lui faisais une rente viagère. Les croupiers rentraient dans le monde; il y en avait un qui devenait le bibliothécaire du crédit foncier; le plus laid devenait amour aux funambules, dans les apothéoses. Je faisais raser Bade et j’y faisais semer des jeux de dominos. J’habillais Blaizard en drap d’or. Je nommais Minet mon ami à cinq cents francs par mois. Je fondais une revue polyglotte pour l’abolition des romans-feuilletons. Je tendais mon cabinet de travail en cachemire blanc. J’achetais un coffre-fort où l’on aurait caché une honnête femme ou une banqueroute frauduleuse. J’avais des chevaux en argent massif avec un ressort, des grooms en perle fine achetés chez Rudolphi... Montbaillard entrait dans mon rêve; il me voyait chauve comme César, avec une couronne de lauriers en billets de banque sur la tête. Il me disait d’une voix terrible : «je veux de tes cheveux!» il sautait sur ma couronne; nous nous battions, et... je donne un grand coup de poing au vaudevilliste célèbre, qui me réveillait.

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