Pierre Loti

Mon frère Yves

France   1883

Genre de texte
roman

Contexte
Le rêve se situe au chapitre LXXXI du roman qui en compte 101.

Alcoolique, Yves a été chassé de chez lui par sa femme Marie parce qu’il a failli tuer leur fils au cours d’une soûlerie. La veille du retour de son mari, Marie se demande s’il reviendra et ce qu’elle ferait s’il ne revenait pas.

Texte témoin
Paris, Calmann-Lévy, 1889, p. 321-322.




Le rêve de Marie

Le retour de son mari

Elle avait fait, la nuit d’avant, l’étrange rêve d’un retour d’Yves : cela se passait très loin, dans les années à venir, et elle-même était déjà vieille. Yves arrivait dans sa chaumière de Plouherzel, le soir, vieux lui aussi, changé, misérable; il lui demandait pardon. Derrière lui étaient entrés Goulven et Gildas, ses frères, et un autre Yves, plus grand qu’eux tous, qui avait les cheveux tout blancs et qui traînait à ses jambes de longues franges de goémon. La vieille mère les accueillait de son visage dur. Elle demandait avec une voix très sombre :

– comment se fait-il qu’ils soient tous ici? Mon mari pourtant a dû mourir en mer, il y a déjà plus de soixante ans... Goulven est en Amérique,... Gildas dans son trou de cimetière... comment se fait-il qu’ils soient tous ici?

Alors Marie s’était réveillée de frayeur, comprenant qu’elle était entourée de morts.

Mais, ce soir, Yves était revenu vivant et jeune; elle avait reconnu dans l’obscurité de la rue sa taille droite et son pas souple.

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