François Tristan L’Hermite

Panthée

France   1639

Genre de texte
Théâtre (vers)

Contexte
Le récit de rêve se trouve à la scène II de l’acte II.

Panthée, reine de la Susiane, raconte ce rêve à Charis, sa fille d’honneur. Son rêve prémonitoire annonce la mort au combat de son époux Abradate.

Texte original

Texte témoin
In : Théâtre complet, Ed. C. K. Abraham, J. W. Schweitzer, J. Van Baelen. Univ. of Alabama Press, 1975, p. 159.




Vision d’un être cher

Un message de l’au-delà

Et les petits oiseaux que réveille l’amour
Célébraient en chantant la naissance du jour,
Lorsque ce songe affreux dont l’horreur m’épouvante,
M’a fait voir d’Abradate une image vivante.
De ses vaines couleurs il me l’a si bien peint,
Que j’ai cru voir sa taille et ses yeux et son teint;
Le vrai ton de sa voix a frappé mon oreille,
Son visage était gai, sa bouche était vermeille;
Du bien de me revoir il rendait grâce aux Dieux,
Et son contentement se lisait dans ses yeux.
Mais comme je goûtais cette douceur extrême,
Je l’ai vu tout à coup triste, sanglant et blême.
Le harnais éclatant qu’il avait endossé
De mille étranges coups me semblait tout percé;
D’une voix languissante, et d’une bouche morte,
Cette ombre de mon bien m’a parlé de la sorte :
«Cesse de te flatter d’un espoir décevant,
«Mes jours sont achevés, je ne suis plus vivant,
«Et ton âme occupée à tant de sacrifices,
«Ne peut pour mon salut rendre les Dieux propices
«Mars qui dans les combats enviait ma valeur
«M’offrit par jalousie en victime au malheur.
«Mais puisque je suis mort avec assez de gloire,
«Fais que toujours au moins je vive en ta mémoire.
Lors le cœur tout transi j’ai couru l’embrasser,
Mais d’un baiser si froid il m’est venu glacer,
Que par un grand effort j’ai rompu tous ces charmes,
M’éveillant en sursaut les yeux couverts de larmes :
C’est ce qui m’inquiète et qui me vient troubler,
Qui cause mes soupirs, et qui me fait trembler :
Mais Charis, que dis-tu de ce funeste songe?

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