Nicolas Coëffeteau

Histoire romaine

France   1646

Genre de texte
Traité Histoire romaine : contenant tout ce qui s’est passé de plus mémorable depuis le commencement de l’empire Auguste, jusqu’à celui de Constantin le Grand

Contexte
Le rêve se situe dans le premier livre du traité qui compte 10 livres.

Ce passage relatant la naissance de l’empereur Auguste contient six récits de rêves prédisant le succès et la grandeur d’Auguste. Les trois premiers songes sont faits par les parents d’Auguste. Les deux autres sont faits par Quintus Catulus, un homme politique romain qui a eu des démêlés avec César, alors que Cicéron, consul de Rome, fait le dernier songe.

Texte original

Texte témoin
Histoire romaine : contenant tout ce qui s’est passé de plus mémorable depuis le commencement de l’empire Auguste, jusqu’à celui de Constantin le Grand . Paris : G. Loyson, 1646, p. 116-117.




Songes sur la naissance d’Auguste

Prédictions

Sa mère, étant enceinte, songea un peu avant ses couches que ses entrailles montaient jusqu’aux astres, et que de là elles allaient se déployant et s’épandant sur toute l’étendue du ciel et de la terre. Son père Octavius songea aussi qu’il voyait le soleil naître des flancs de sa femme. Le propre jour de sa naissance, on traitait de la conjuration de Catilina dans le sénat, Octavius s’y étant rendu un peu tard, et s’étant excusé sur l’accouchement de sa femme. Nigidius, excellent mathématicien, auquel il en communiqua, ayant appris et observé l’heure précise de l’enfantement, assura que sans doute ce jour-là il était né un prince à l’univers. Depuis, son père conduisant l’armée romaine en la Thrace fit faire un sacrifice qui confirma tous les autres présages de son avancement. Car les prêtres de Bacchus, auxquels il s’était adressé, ayant répandu du vin sur l’autel de leur Dieu, il en sortit une grande flamme qui, couvrant le dôme du temple, monta jusqu’au ciel, dont, demeurant tout étonnés, ils l’assurèrent que c’était un signe que son fils serait un jour seigneur de tout le monde, et ajoutèrent qu’ils se souvenaient que ce prodige n’était jamais arrivé qu’au seul Alexandre, lorsqu’il se préparait pour aller conquérir l’Asie et l’empire des Perses. La nuit d’après, Octavius songea qu’il voyait son fils sur un char de triomphe, tiré par douze chevaux blancs, et qu’il lui semblait qu’il avait une apparence pleine de majesté et plus vénérable que celle d’un homme mortel; qu’il tenait en sa main la foudre et le sceptre; qu’il était paré d’une couronne rayonnante, et qu’il avait tous les autres ornements de Jupiter.

Étant encore dans les langes, sa nourrice l’ayant couché sur le soir et ayant mis son berceau en une basse chambre, le lendemain, on ne l’y trouva plus; de sorte qu’appréhendant qu’il ne fût perdu, on le fit chercher partout, et enfin on l’aperçut au sommet d’une haute tour, ayant le visage tourné vers l’orient du soleil. En la première fleur de sa jeunesse, dînant en un bois, une aigle vint lui ravir le pain de la main, et, après s’être envolée bien haut en l’air, elle revint fondre doucement sur le lieu où il mangeait et remit sa proie sur la table.

On rapporte encore que Quintus Catulus, ayant dédié le capitole, les deux nuits suivantes eut deux songes qui furent encore des présages de la grandeur d’Auguste. La première nuit, il lui était d’avis qu’il voyait force jeunes enfants de sénateurs qui jouaient à l’entour de l’autel de Jupiter, que Jupiter en tirait un à l’écart et qu’il mettait le sceau ou l’image de Rome dans son sein. D’autres disent que ces enfants demandant un tuteur à Jupiter, il leur montra Auguste, le baisa et dit aux autres que ce serait leur protecteur. La seconde, il lui semblait qu’il voyait cet enfant assis dans le giron de Jupiter, et qu’ayant commandé qu’on l’en arrachât, le Dieu l’en avait empêché et lui avait déclaré qu’il en voulait faire un puissant appui et un grand défenseur de la république. Le jour d’après, étant monté au Capitole, y rencontrant Auguste, qu’il ne connaissait point encore, il le regarda attentivement et assura qu’il ressemblait à l’enfant qui lui était apparu.

Cicéron, faisant compagnie à Jules César dans le même Capitole, racontait à ses amis que, la nuit d’avant, il avait eu un songe qui le mettait en une extrême peine, d’autant qu’il avait vu descendre du ciel par une chaîne d’or, un jeune enfant agréable à merveilles, qui s’était arrêté à la porte du Capitole, où Jupiter lui avait mis un fouet dans la main, et, en même temps, ayant aperçu Auguste auprès de son oncle qui l’avait amené pour assister à son sacrifice, il l’assura que c’était celui-là même dont il avait vu l’image en songe.

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