Raymond Queneau

Exercices de style

France   1947

Genre de texte
prose

Contexte
Nous avons ici deux variantes des Exercices de style, dont la seconde n’a pas été retenue dans l’édition finale de 1963.

Dans cet ouvrage, Queneau raconte la même anecdote de 99 façons différentes. Il s'agit de la rencontre, dans un autobus, du narrateur avec un homme bizarre que le narrateur revoit un peu plus tard à la gare de Saint-Lazare.

Dans cette version, intitulée « Rêve », Queneau raconte l’anecdote comme s’il s’agissait d’un rêve du narrateur.

Notes
Le deuxième texte est une version préliminaire. Voir Emmanuel Souchier, édition critique de la collection Bibliothèque de la Pléiade.

Texte témoin
Exercices de style, Paris, Gallimard, 1947, p. 14.




Rêve

Le flou des rêves

Il me semblait que tout fût brumeux et nacré autour de moi, avec des présences multiples et indistinctes, parmi lesquelles cependant se dessinait assez nettement la seule figure d'un homme jeune dont le cou trop long semblait annoncer déjà par lui-même le caractère à la fois lâche et rouspéteur du personnage. Le ruban de son chapeau était remplacé par une ficelle tressée. Il se disputait ensuite avec un individu que je ne voyais pas, puis, comme pris de peur, il se jetait dans l'ombre d'un couloir. Une autre partie du rêve me le montre marchant en plein soleil devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un compagnon qui lui dit : « Tu devrais faire ajouter un bouton à ton pardessus. » Là-dessus, je m'éveillai.

…………..
Il me sembla que je me trouvai dans un autobus — assis ou debout ? à l'extérieur ou à l'intérieur ? en tout cas il y avait beaucoup de monde. Je remarquai parmi tous les gens qui se trouvaient autour de moi, un personnage parfaitement ridicule, d'un ridicule presque irréel, et qui me paraît maintenant résulter du fait que, affligé d'un long cou que faisait ressortir encore plus une chemise à col très bas, il s'était collé sur la tête un drôle de galurin dont le ruban était remplacé par une corde. Il se querellait avec un voisin ; le sujet de leur discussion m'échappe ; tout de suite après l'algarade, il courait vite vers une place libre, pour s'y asseoir. / Dans une autre scène du même rêve, je retrouvai ce même personnage, devant la gare St Lazare, cette fois-ci. Il passait devant moi. Il était accompagné d'un camarade qui lui donnait des conseils vestimentaires en ces termes : « Tu devrais faire mettre un bouton à ton pardessus, il bâille trop. » (Là-dessus, je m'éveillai) / Cette phrase me réveilla.

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