Réjean Ducharme

L’avalée des avalés

Québec   1966

Genre de texte
roman

Contexte
Ce rêve se situe dans le dernier quart du roman.

Bérénice Einberg, la narratrice, âgée d’environ douze ans, est de retour chez elle après un long séjour chez des parents à New York. Sa meilleure amie, Constance Chlore, qu’elle a surnommée Constance Exsangue, a été frappée à mort par une automobile au cours de ce séjour.

Notes
Château de Thurandt : château-fort médiéval allemand (Rhénanie). La graphie « Thurant » est davantage utilisée.

Texte témoin
L’avalée des avalés, Paris, Gallimard (Folio), 1982, p. 302-303.

Édition originale
L’avalée des avalés, Paris, Gallimard, 1966.




Le 4e rêve de Bérénice Einberg

La rue puante

Je dors sur la grève. En rêve, je vois le magnifique château de Thurandt, château fleuri de mille tours, poivrières, salières et vinaigriers, château se dressant sur une haute colline. Je marche sur la colline, et je vois qu’il n’y pousse que du plantain. Une rue puante m’ouvre la porte du château. Avec la voix de Constance Exsangue, elle me raconte sa vie. « Je suis une rue puante. Je suis emménagogue, anthelminthique et sudorifique. Je hante les officines. C’est dans une officine qu’en prenant un verre d’acide sulfurique j’ai rencontré mon premier mari. Avec Barnabé, la vie est devenue peu à peu insupportable. Étant une rose il soutenait que c’était lui qui sentait bon... » Je dors sur la grève, dans le soleil du soir. Je suis, tout à coup, éveillée par une baigneuse. Elle se mouche en se pinçant le nez.

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