Ahmadou Kourouma

Les Soleils des indépendances

Afrique   1968

Genre de texte
roman

Contexte
Fama, le personnage principal, est le dernier descendant d'une illustre lignée princière qui a régné sur le Horodougou. Son pouvoir a été réduit à néant par la colonisation et sa situation n'a fait qu'empirer avec l'avènement des «soleils des indépendances». Vivant de la charité publique dans la capitale, il se rend au pays natal pour les funérailles de son cousin qui occupait la chefferie. Là, Fama retrouve le vieux sorcier, Balla.

Texte témoin
Les Soleils des indépendances. Paris : Seuil (Coll. « Points »), 1995, p. 119.

Édition originale
Les Soleils des indépendances. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1968.




Rêve de Fama (1)

Un cauchemar prémonitoire

Un peu avant le premier chant du coq, il sursauta et se leva, remué par la vision d’un affreux cauchemar. Des chiens, yeux, oreilles et nez arrachés, poursuivaient des meutes de margouillats et de vautours qui trouaient ses côtes et ses reins pour s’y réfugier. La frayeur calmée il récita scrupuleusement les sourates qui éloignent les esprits dans la nuit.

Le matin il se confia à Balla. Celui-ci était au fait du cauchemar. Le double, le dja de Fama, avait quitté le corps pendant le sommeil et avait été pourchassé par les sorciers mangeurs de doubles.

-- Fama, crois-moi! Tes ennemis ne dorment pas! J’ai suivi et écouté dans la nuit les vols des sorciers fonçant sur ta case. Je les ai dispersés et chassés à l’aide des incantations.

Donc Fama pouvait vivre sans inquiétude, tant que Balla son affranchi respirait. Seulement, Fama devait tuer des sacrifices aux mânes des aïeux. Les prières coraniques et même le paradis sont insuffisants pour contenir les morts malinkés, surtout les restes des grands Doumbouya. Leurs djas, leurs doubles sont fougueux, indomptables. Des sacrifices, beaucoup de sang; les sacrifices sont toujours et partout bénéfiques.

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