Henri Michaux

La nuit remue

Belgique   1935

Genre de texte
prose

Contexte
Le rĂ©cit se situe dans la section qui s’intitule « Le sportif au lit ».

Texte témoin
Gallimard, 1935, p.20-29.




RĂŞves

Horizons

Cette nuit ça été la nuit des horizons. D’abord un bateau sur la mer surgit. Le temps était mauvais.

Ensuite la mer me fut cachée par un grand boulevard. Telle était sa largeur qu’il se confondait avec l’horizon. Des centaines d’automobiles passaient de front en tenant la gauche comme en Angleterre. Il me parut voir au loin sur la droite, mais ce n’est pas certain, une sorte d’agitation poussiéreuse et lumineuse qui pouvait être le passage d’autos en sens inverse.

Un viaduc traversait la route, et, comme elle, se perdait au loin. La magie qu’il y avait à conduire une auto sur cette route plus semblable à une province était extraordinaire.

Je me trouvai ensuite, au pied d’un building. C’était un palais, un palais né d’un esprit royal et non de celui d’un misérable architecte arriviste. Ses centaines d’étages s’élevaient dans le silence parfait, aucun bruit ne venait ni d’en bas ni de l’intérieur, et le haut se perdait dans des vapeurs.

On montait par l’extérieur, par la façade principale, lentement; aucune fenêtre n’était animée d’un visage qui serait venu s’y pencher. Nulle curiosité, nul accueil, personne. Cependant rien de délaissé. Nous montions lentement vers le balcon royal encore inaperçu. Nous parcourûmes de la sorte bien deux cents étages mais la nuit, l’obscurité, au moment où l’on voyait enfin poindre dans le haut le rebord du balcon royal se firent trop denses et nous fûmes contraints de redescendre.

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