Henri Michaux

La nuit remue

Belgique   1935

Genre de texte
prose

Contexte
Le récit se situe dans la section qui s’intitule « Le sportif au lit ».

Texte témoin
Gallimard, 1935, p.20-29.




Rêves

La mère et le chat

C’était sur un grand lit qu’était posé ce bébé. A l’autre bout la mère exsangue, exténuée. Un chat avait sauté sur le lit et mis la patte en hésitant sur la figure du marmot. Ensuite vivement il donna trois petits coups de patte sur le nez rose et peu proéminent, qui saigna aussitôt, un sang rouge et bien plus grave que lui.

A l’autre bout du lit sous les couvertures épaisses la mère, la tête retenue dans le manchon de la fatigue, ne sait comment intervenir. Déjà le marbre fait en elle son froid, son poids, son poli.

Cependant le bébé en s’agitant vient de détacher son maillot sous l’oeil intéressé du chat.

Comment pourra-t-elle intervenir, paralysée comme elle est. Certes le chat profita de la situation, qui dut être bien longue, car le chat aime méditer. Je ne sais ce qu’il fit exactement, mais je me souviens que comme il était occupé à donner de vifs et allègres coups de griffe sur la joue de l’enfant, je me souviens que la mère faute de pouvoir crier, dit dans un souffle désespéré et tendu « filain chat » (elle disait fi pour mettre plus de force), elle souffla ensuite dans la direction du chat le plus qu’elle put, puis s’arrêta horrifiée, comprenant, son souffle perdu, qu’elle venait de jeter sa dernière arme. Le chat toutefois ne se jeta pas sur elle. Ensuite je ne sais ce qu’il fit.

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