Jacques Poulin

Faites de beaux rêves

Québec   1974

Genre de texte
roman

Contexte
Ce récit de rêve se trouve au début du cinquième chapitre de la troisième partie du livre qui en compte quatre.

Amadou, sa copine Limoilou et son frère Théo se rendent au Mont-Tremblant, au Nord de Montréal, pour assister au Grand Prix du Canada de formule Un. Amadou, qui est pourtant commis aux écritures de profession, éprouve de la difficulté à communiquer.

Notes
Winchester : Arme à feu à canon long fabriquée par la compagnie Winchester.

Sitting Bull : Tatanka Iyotake (1831-1890), surnommé Sitting Bull, chef des Sioux du Dakota, s’opposa à la conquête de l’Ouest par les colons américains.

Pistes de l’Oregon et de Santa Fe : Routes empruntées par les colons américains au XIXe siècle pour traverser les États-Unis et aller s’établir dans l’Ouest. Fort Laramie (Wyoming) se situe sur la piste de l’Oregon alors qu’Abilene (Kansas) et Dodge City (Kansas) sont situées sur la piste de Santa Fe.

Kit Carson : Chritopher Houston (1809-1868), surnommé Kit Carson, fut guide et éclaireur lors d’expéditions vers l’Ouest. Il a donné son nom à la ville de Carson située dans le Nevada aux États-Unis.

William F. Cody : Après avoir occupé divers emplois, William Frederick Cody (1846-1917) devient un redoutable chasseur de bisons, ce qui lui vaut son surnom de Buffalo Bill. Sa participation dans les années 1870 à un spectacle intitulé Les Scouts des Plaines a sans doute contribué à ce que le nom de Buffalo Bill devienne légendaire.

Cochise : Chef (1812-1874) de la tribu apache des Chiricahuas de la région de l’Arizona. Il entretient pendant un certain temps de bonnes relations avec les colons américains puis s’oppose à leur installation en Amérique. Il dirige, avec des membres de sa tribu, diverses attaques contre des diligences et des ranchs.

Géronimo : Chef (1829-1908) de la tribu apache des Chiricahuas de la région de l’Arizona qui combattit les Européens. Géronimo guida la révolte des Apaches en 1874.

Texte témoin
Faites de beaux rêves, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1988, p. 140-141.

Édition originale
Faites de beaux rêves, Montréal, l’Actuelle, 1974.




Le deuxième rêve d’Amadou

La caravane des émigrants

- Excusez-moi d’avoir dormi, dit-il. Est-ce qu’il est tard?

- C’est le milieu de la nuit. Tu t’es endormi pendant les histoires du Far-West.

- C’est drôle comme je me sens bien. J’ai fait un rêve et je me sens en paix.

- Madou, je voudrais qu’on se parle, dit-elle.

- Mon frère Théo avait la vieille Winchester de Sitting Bull en travers des genoux, commença rapidement Amadou. Les cordeaux étaient enroulés autour de son poignet. Il tenait dans l’autre main un fouet qui avait une très longue lanière de cuir. Il faisait claquer son fouet au-dessus des trois paires de chevaux qui tiraient notre chariot et la bâche du chariot était gonflée comme une voile de bateau. Théo me disait de ne pas regarder en arrière. Je me retournais quand même pour voir la caravane des émigrants qui nous suivaient dans leurs chariots depuis qu’on avait quitté Independance sur les bords du Missouri. Théo disait qu’on pouvait prendre la piste de l’Oregon ou celle de Santa Fe. Les villes s’appelaient Abilene, Fort Laramie et Dodge City. Théo n’arrêtait pas de faire claquer son fouet, il voulait aller plus vite que Kit Carson et William F. Cody. C’était nécessaire d’arriver au pied des Rocheuses avant les premières neiges d’octobre. Il se méfiait de Cochise et Géronimo dans les prairies. Et il disait que si on allait plus au Sud, plus loin que le Grand Canyon du Colorado, on pouvait trouver l’Or de la Californie et la Terre Promise.

Elle attendit et, quand elle vit qu’il ne disait plus rien :

- Amadou, je voudrais qu’on se parle pour vrai, dit-elle encore.