Jacques Poulin

Volkswagen Blues

Québec   1984

Genre de texte
roman

Contexte
Ce récit de rêve se situe à la fin du chapitre 18 intitulé « La piste de l’Oregon ».

Deux Canadiens, un blanc, Jack Waterman, et une métis, Pitsémine, surnommée la Grande Sauterelle, traversent l’Amérique à la recherche du frère de Jack. La Grande Sauterelle en profite pour redécouvrir ses racines amérindiennes. Elle apprend dans un livre que Buffalo Bill a tué près de six mille bisons en moins de deux ans, ce qui la met en colère.

Texte témoin
Volkswagen Blues, Montréal, Leméac (Babel), 1998, p. 188-189.

Édition originale
Volkswagen Blues , Montréal, Québec/Amérique, 1984.




Le deuxième rêve de la Grande Sauterelle

Les bisons de la plaine

Au milieu de la nuit, elle se mit à marmonner des mots anglais dans son sommeil, des mots qu’il avait entendus plusieurs fois déjà sans les comprendre, et cette fois il reconnut une exclamation qu’il avait vue dans un des livres qu’elle lisait sur les Indiens : « White men, big shitters! »

Elle s’agitait de plus en plus, alors il lui toucha l’épaule pour la réveiller.

— Hein? fit-elle.

— Vous faites un mauvais rêve, dit l’homme.

— Ah oui... les bisons!

Elle s’assit dans le lit et se mit à parler des bisons. Au début, ses propos n’étaient pas très cohérents, mais Jack l’écoutait sans impatience.

— Il y a une rumeur lointaine... dit-elle. Vous êtes installé dans la plaine, au bord d’une rivière, et vous êtes en train de préparer votre lunch quand tout à coup vous entendez une rumeur, un bruit sourd qui grandit. La première idée qui vous passe par la tête, c’est qu’il s’en vient un orage... Vous jetez un coup d’œil inquiet vers le ciel, mais il est bleu et vous ne voyez pas le moindre nuage à l’horizon. Cependant, le bruit sourd continue à grandir... Vous commencez à comprendre que ça vient de l’autre bout de la plaine, alors vous abandonnez votre repas et vous grimpez sur une colline pour essayer de voir ce qui se passe. Vous apercevez d’abord un gros nuage de poussière qui vous fait penser à une tempête de sable dans le désert, comme on en voit au cinéma, puis vous distinguez des points noirs, une multitude de points noirs en mouvement ; les points noirs grossissent peu à peu et vous voyez bien qu’il s’agit d’un immense troupeau de bisons. Ils sont en si grands nombre que la plaine tout entière ne suffit pas à les contenir. Ils fuient devant quelque chose : un feu d’herbe ou bien des chasseurs indiens. Les bisons traversent la plaine au galop et lorsqu’ils passent devant votre colline en martelant le sol de leurs lourds sabots, c’est comme un tremblement de terre.

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