Anonyme

La chanson du Chevalier au Cygne et de Godefroi de Bouillon

France   1356

Genre de texte
Chanson de geste

Contexte
Witasse de Bologne dort auprès de sa femme, la belle Ydain. Celle-ci fait un cauchemar, mais son mari la rassure et lui dit qu’elle mettra au monde un fils qui saura redresser les torts qu’elle a vus en songe.

Notes
Voir fiche précédente.

Texte original

Texte témoin
La chanson du Chevalier au cygne et de Godefroi de Bouillon, Édition de C. Hippeau, Genève : Slatkine Reprints, « Collection des poètes français du Moyen Ă‚ge IX », 1969 (rĂ©impression des Ă©ditions de Caen et de Paris, 1852-1877), tome II, vers 255-299. Traduction : Y. Lepage et J. Dionne.

Bibliographie
Article de Suzanne Duparc-Quioc et Isabelle Weill, in Georges Grente (dir.), ‹i›Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen âge. ‹/i› Édition entièrement revue et mise à jour sous la direction de Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris : Fayard, 1992, p. 264-265.




Un songe allégorique

La dame Ydain aura un enfant

La nuit, la dame rêva, comme le dit l’écrit, qu’elle était transportée à Jérusalem, là où Dieu fut trahi, devant le sépulcre, sur un perron massif où on la faisait asseoir. Elle regardait à l’intérieur du temple béni de Dieu. Il était plein de chouettes et de chauves-souris. De sa bouche sortaient deux aigles et un griffon : elle les expulsait tous les trois du temple. Dans le sépulcre très saint où Dieu mourut et ressuscita, un chat-huant et un hibou – oiseau maudit – avaient fait leur nid sur le maître-autel. Le griffon s’y précipitait en volant. Lui et les aigles dont je vous parle les chassaient tous, grands et petits, puis ils venaient à lui en volant à toute allure. Les aigles et le griffon le saisissaient et le transportaient sur la tour que fit faire David. Il surveillait la cité et tout le pays. Les deux aigles étaient posés sur ses épaules et lui mettaient, lui semblait-il, une couronne d’or sur la tête, au sommet du visage. Le griffon s’accrochait à sa poitrine et lui tirait violemment les entrailles par le nombril. Par les Portes dorées qu’avait empruntées Jésus-Christ, il sortait de la cité en volant à vive allure. Il enveloppait complètement les murs, qui sont de marbre gris brun, avec les entrailles. La dame jette deux cris et se réveille. Son corps tremble à cause de la peur qu’elle a eue.

Quant le comte Witasse entend sa femme, il lève la main et se signe. « Belle, qu’avez-vous? Vous ne devez rien me cacher. »

— Seigneur, je m’adresse à Dieu, afin qu’il puisse nous conseiller et, par sa bonté, nous préserver, vous et moi, du danger

Elle lui conte son rĂŞve sans rien chercher Ă  lui cacher. Quand le comte l’entend, il ne veut pas l’effrayer : « Dame, ce songe est du plus grand intĂ©rĂŞt. Vous aurez sous peu un enfant qui gouvernera la citĂ© oĂą JĂ©sus souffrit et il vous Ă©lèvera en dignitĂ©, vous et sa parentĂ©. »

Quand la comtesse l’entend, elle rend grâces à Dieu. Le noble Witasse se met à l’embrasser. La nuit, ils couchèrent ensemble jusqu’à ce qu’il fasse jour et qu’ils voient le soleil luire et rayonner. Le comte se lève alors, car il ne veut pas s’attarder plus longtemps.

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