Richard le Pèlerin

La Chanson d’Antioche

France   1150

Genre de texte
chanson de geste

Contexte
Les Français ont pris Antioche des mains des Sarrasins, mais l’émir Corbaran d’Oliferne et ses hommes, Soliman et Sansadoine, ne sont pas encore au courant de cette défaite. Sansadoine reçoit un songe inquiétant dans lequel Antioche était envahie par des bêtes féroces. Il raconte son cauchemar à Soliman, qui refuse de croire au songe. Peu de temps après, un messager vient annoncer à l’émir Corbaran la défaite cuisante des Sarrasins à Antioche.

Notes
Cette chanson de geste date de la fin du XIIe siècle; elle semble avoir été écrite pour inciter les chrétiens à participer à la troisième ou à la quatrième croisade. Elle passe, depuis P. Paris, pour être l’œuvre de deux auteurs, Richard le Pèlerin, un témoin oculaire « trouvère aux armées », qui aurait fait une sorte de reportage, et Graindor de Douai, qui l’aurait remaniée en y introduisant tous les éléments épiques.

La Chanson d’Antioche retrace les événements, depuis la vision de Pierre l’ermite au Saint-Sépulcre, jusqu’à la fin de la deuxième bataille d’Antioche (les chrétiens sont à leur tour assiégés par l’émir Kerbôgha ou Corbaran d’Oliferne).

Texte original

Texte témoin
Édition de Suzanne Duparc-Quioc, Paris : Librairie Orientaliste Paul Geuthner, « Documents relatifs à l’histoire des Croisades publiés par l’Académie des inscriptions et belles-lettres XI », 1976, vers 6611-6632. Traduction : J. Dionne et Y. Lepage.

Bibliographie
Article d’ Isabelle Weill, in Georges Grente (dir.), ‹i›Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen âge. ‹/i› Édition entièrement revue et mise à jour sous la direction de Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris : Fayard, 1992, p. 238.




Vision de Sansadoine

La prise d’Antioche

Cette nuit j’ai fait un songe qui m’inspire beaucoup de crainte, car il me paraissait qu’avant le point du jour nous devions nous héberger dans les environs d’Antioche. Là, j’arrivai devant la porte de la ville qui fait face à la mer. Je criais à haute voix qu’on m’y laissât entrer. Deux ours et deux lions vinrent l’ouvrir. Ils me firent une si grande peur que je n’osai m’y arrêter. Je commençai à regarder vers la haute tour : au moment où je la regardais, je la vis se renverser jusqu’à terre. Léopards, sangliers, serpents, ours et dragons sortaient d’Antioche pour dévorer nos gens. Leur férocité nous força à fuir. Celui qu’ils arrivaient à attraper n’avait pas envie de rire; l’isolé n’avait aucune chance de s’en tirer vivant. Je vis nos gens mourir et se faire écraser, la terre s’écrouler droit devant nous dans un abîme si profond qu’on ne pouvait en apercevoir le fond. J’ai une telle peur que je n’en puis conter davantage.
— Seigneur, dit Soliman, ne vous désolez pas : Mahomet nous protège grâce à sa puissance. Maudit soit celui qui se laisse égarer par un songe!
Sur cette parole, ils mettent fin à leur entretien.

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