Eschyle

Agamemnon

Grèce   -458

Genre de texte
tragédie

Contexte
L'évocation des rêves de Ménélas par le Chœur se situe dans la première moitié de la pièce, aux vers 420 à 425.

La cité d’Argos et sa reine, Clytemnestre, attendent le retour de l’armée des Grecs de Troie, après une guerre de dix ans. Le chœur, formé des vieillards de la ville, raconte les évènements qui ont mené à cette guerre. Il décrit ici l'état de dépression dans lequel est tombé Ménélas quand il découvre qu'Hélène est partie.

Notes
Clytemnestre : Épouse d’Agamemnon. Agamemnon est roi d’Argos et frère de Ménélas.

Ménélas : Époux d’Hélène, et roi de Sparte, il entraîne son frère en guerre contre Troie lorsqu’un prince troyen, Pâris, trompe son hospitalité en s’enfuyant avec Hélène.

Commentaires
George Devereux consacre 140 pages à l'analyse de ce rêve, dans lequel il voit le «:symptôme paroxystique» de la «dépression réactionnelle de Ménélas» (p. 85). Selon lui: «Ménélas rêve qu'Hélène se soustrait à lui: il est incapable de se rendre compte que c'est sa haine qui la fait fuir» (p. 176).
Devereux conclut: «:Les mythes grecs présentent Ménélas comme un homme indécis et tiraillé par des conflits internes. Le rêve que lui prête Eschyle convient parfaitement à un tel homme. Il débute par l'assouvissement presque total de son désir conscient d'enlacer Hélène, mais s'achève par l'assouvissement de son désir inconscient et rageur de la chasser de sa vie» (p. 189).

Texte original

Texte témoin
Jean Bollack, L'Agamemnon d'Eschyle. Le texte et ses interprétations, Presses Universitaires de Lille, 1981, vol. 2.

Eschyle, Tragédies, trad. Paul Mazon, Paris, Budé, Coll. Les belles lettres,1962, p. 227-228. Nous donnons en premier la traduction de G. Devereux, Les rêves dans la tragédie grecque, Paris, Les Belles lettres, 2006.

Édition originale
Aeschylus, Agamemnon, ed. Herbert Weir Smyth, Ph. D., Site Perseus, t.q. vu le 16/10/2004, basé sur Aeschylus, trad. angl. Herbert Weir Smyth, Ph. D., Harvard University Press, London,1926, v. 1 & 2




Rêve de Ménélas

Apparitions douloureuses

«Las! Las! pour le palais! Pour le palais et pour le prince!
Las! pour le lit conjugal et les empreintes de l'amour pour l'époux!»
On peut le voir qui garde le silence, sans honneur, sans une insulte aux lèvres, sans plus de confiance désormais, assis à l'écart.
Dans le désir de celle d'au-delà les mers,
c'est un fantôme qui semblera maître du palais.
Les gracieuses statues
sont odieuses à l'époux:
Dans ses yeux vagues,
toute Aphrodite tombe en ruines.
En songe, il croit voir de douloureuses apparitions,
De fait, on se trompe quand on croit voir des choses heureuses:
soudain évanouie,
de nos bras la vision s'en est allée pour ne plus jamais
imiter la démarche ailée du sommeil.

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Traduction de Paul Mazon:

Las! Las! Palais, palais et princes !
Las! Le lit et la trace des pas
qui suivaient l'homme!
Il est là, sans rien dire, sans honneur
et sans récriminer,
le plus doux à voir de tous les délaissés.
A cause du désir d'une femme d'au-delà des mers,
un fantôme à la fin paraît régner sur le palais.
La beauté des statues aux belles formes,
l'homme la déteste.
Et de ses yeux vacants
Aphrodite est tout entière en allée.

Images du rêve [de Ménélas], douloureuses
les visions sont là,
avec leur beauté irréelle.
Car c'est pour rien quand on croit voir
de belles choses —
passant ailleurs, l'apparition
s'est échappée des mains, dans l'instant même,
sur ses ailes qui suivent les chemins du sommeil.

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