Un pauvre gagne un trésor

Comme nous consultions l'oracle au sujet de mon épouse, qui était un peu souffrante, il nous donna cette réponse: «Déplacez le lit et cela ira bien.» Or hier ma femme, dans son délire, crut apercevoir, quoique assez confusément, huit hommes de forte stature, tout de blanc vêtus et la taille resserrée dans une ceinture d'étoffe rouge. Ils lui déclarèrent qu'ils venaient de chez un certain sieur Jin, mais que s'étant trouvés libérés de l'engagement qui les liait à celui-ci, ils venaient désormais trouver refuge chez nous. Sur quoi ils se glissèrent tous les huit sous son lit. Ma femme en eut une suée glaciale (l'effet de la frayeur), mais cette suée eut un heureux effet, puisqu'elle se trouva aussitôt rétablie. Or quand nous fîmes déplacer le lit, nous trouvâmes, au milieu de la poussière, huit gros lingots d'argent garnis en leur partie la plus resserrée d'un ruban de soie rouge. D'où nous venaient-ils? Du Ciel et des esprits, sans doute, qui désiraient de nous faire cette faveur particulière. C'est ce qui explique pourquoi vous avez vu ces viandes sacrificielles tout à l'heure: elles sont les restes de la cérémonie d'action de grâces que nous avons tenue.

Mais dites-moi, noble vieillard, puisque aujourd'hui vous êtes venu m'interroger à ce sujet, peut-être avez-vous des lumières sur l'origine ou la provenance de ce trésor?

— Mais, cet argent, monsieur ! répondit Je vieux Jin en abandonnant ses membres à des convulsions, cet argent, ce sont mes économies, le fruit de toute une vie d'épargne. Moi aussi j'ai fait un rêve l'autre nuit, à la suite duquel ces lingots disparurent. Or dans ce rêve, je reçus la révélation de votre nom respect et du lieu où vous étiez établi, et ceci assez précisément pour que je pusse, comme vous voyez, vous visiter aujourd'hui. Ah! les choses étaient donc ainsi! Le Ciel est donc souverain, rien n'échappe à ses décrets!