Feng Menglong

Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois

Chine   1640

Genre de texte
conte

Contexte
Tang Yin est un lettré réputé. Tombé amoureux d’une jeune femme aperçue sur un bateau, il cherche à la suivre et s’embarque pour ce faire avec des amis partis en pèlerinage, mais sans leur communiquer le véritable motif qui le pousse à se joindre à eux. Arrivé à la ville où s’arrête le bateau poursuivi, Tang Yin découvrira que la fille est servante dans une riche famille. Il décide donc de rester là et, pour se justifier auprès de ses amis, il invente ce rêve.

Cet épisode se situe au début du conte.

Notes
Tout ce récit est un mélange de traits authentiques et d’anecdotes suscitées par la personnalité peu commune de Tang Yin (1470-1524), qui fut l’un des plus grands peintres de la dynastie des Ming.

Le motif de la femme passant en bateau et séduisant le lettré par un sourire est déjà attesté dans un conte du XIIe siècle. (Notes de R. Lanselle)

Texte témoin
«Tang le lauréat se joue du monde et l’étonne». Chap. XXXIII des Spectacles curieux d’aujourd’hui et d’autrefois, texte traduit, présenté et annoté par Rainier Lanselle, Paris, Gallimard, Collection de la Pléiade, 1996, p. 1351.




Le faux rêve de Tang Yin

Un dieu le poursuit

Vers le milieu de la nuit, il se mit à crier avec des accents épouvantés, comme un homme que les horreurs d'un cauchemar assaillent dans son sommeil. Tirés du leur par ces bruits, ses compagnons furent aussitôt le réveiller, et lui ayant demandé ce qui les causait: «Un dieu à l'armure d'or, répondit le Lauréat, m'est apparu en songe. Il tenait dans la main un pilon d'or et me poursuivait en m'en menaçant, m'accusant de m'être mis en pèlerinage avec un cœur impie. Je me prosternai à ses pieds et le suppliai de m'épargner, lui jurant de réparer ma faute par une pénitence d'un mois entier, et de l'expier dans la solitude au sein des montagnes. Mes amis, quand tout à l'heure le ciel s'illuminera des premiers rayons du soleil, vous continuerez votre voyage sans moi: le mien m'oblige à retourner en arrière, et à me priver du plaisir de votre compagnie.» Wang Yayi et ses amis ne doutèrent pas un instant de la sincérité de ses paroles, et, dès l'aube du lendemain, Tang Yin leur dit adieu et sauta dans un petit bateau qui passait par là dans ce moment et se dirigeait vers Suzhou.

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