Ovide
Les Métamorphoses Genre de texte Contexte Notes En grec, fourmi se dit murmèx. Les Myrmidons sont le peuple de la région. La proximité phonique entre les deux mots justifie l’étymologie populaire et l’image légendaire de la métamorphose de l’une en l’autre. Texte original Texte témoin Bibliographie
Poème
Éaque est le roi d’Égine. Son peuple ayant été décimé par une terrible peste, il implore le secours de Jupiter.
J. Bouquet qualifie ce songe d’allégorique. Tout en s’inspirant de récits mythologiques préexistants, Ovide a inventé l’épisode des fourmis qui se métamorphosent en humains.
Les Métamorphoses , 7, 620-52. Texte et traduction extraits de Itineraria electronica.
Jean Bouquet, Le songe dans l’épopée latine d’Ennius à Claudien, Bruxelles, Labor, 2001.
Une fourmilière humaine
Non loin de ce palais s’élève un chêne consacré à Jupiter. Il est né d’un gland cueilli dans la forêt de Dodone. Un rare feuillage pare ses antiques rameaux. Là , je vis alors par milliers la fourmi diligente, traînant avec effort le grain qu’elle avait ramassé, et suivant, dans les rides de l’écorce, de longs et pénibles sentiers. J’en admire le nombre, et je m’écrie:«Ô père des humains, donne-moi pour repeupler cette île déserte un peuple égal en nombre à ces fourmis»! Alors le chêne robuste s’ébranle, et de ses rameaux qui s’agitent dans le calme des airs, semble sortir une voix inconnue. D’une subite horreur mes sens sont saisis. Mes cheveux se hérissent. Je baise la terre et le chêne avec respect. Je n’ose m’avouer que j’espère: j’espère cependant; une confiance secrète accompagne mes vœux.
La nuit a déployé ses voiles. Le sommeil bienfaisant fait oublier les peines du jour. Je crois voir ce même chêne devant mes yeux. C’était le même nombre de rameaux, le même nombre de fourmis, le même mouvement dont l’arbre fut agité. Il faisait pleuvoir autour de lui des légions de ces insectes laborieux que je vis, par degrés, croître, grandir, se lever de la terre, se redresser, perdre leur maigreur, le trop grand nombre de leurs pieds, leur couleur obscure, et revêtir une figure humaine.
Je m’éveille, je condamne cette vision, mensonge de la nuit, et j’accuse les dieux qui m’ont promis un vain secours. Cependant un bruit confus retentissait dans le palais. Je croyais entendre des voix humaines dont le son avait presque cessé de frapper mon oreille; je doutais encore si ce n’était pas la suite des illusions du sommeil. Télamon précipite ses pas; il entre, et s’écrie: «Venez, mon père, venez voir un prodige qui surpasse ce que l’on peut croire, et ce que les dieux vous ont fait espérer.» Je sors, et j’aperçois les mêmes hommes qu’un songe avait offerts à mes regards. Ils sont dans le même ordre où je les vis; je les reconnais, ils s’approchent et me saluent leur roi. Je rends des actions de grâces à Jupiter. Je distribue ces hommes nouveaux dans la ville déserte et dans les campagnes dépeuplées de leurs anciens cultivateurs. Je les nomme Myrmidons, et ce nom indique assez leur origine.