Marivaux

Le Télémaque travesti

France   1736

Genre de texte
prose, roman

Contexte
Le rêve se situe vers la fin du premier livre intitulé « Les Aventures de Brideron le fils ». Le roman compte 16 livres.

Le jeune Timante Brideron vit avec sa mère et son oncle Phocion depuis le départ de son père il y a des années. Telle une Pénélope, la mère reste fidèle à son mari et repousse les avances des hommes de son entourage, malgré qu’elle soit sans nouvelles de Brideron. Un jour, Timante décide de partir à la recherche de son père en compagnie de son oncle, comme l’a fait Télémaque. Après une série d’aventures, les deux hommes se retrouvent chez Mélicerte, une ancienne amante de Brideron père. Timante lui fait le récit de ses aventures; il lui raconte entre autres qu’il a dû combler des fossés à la suite d’une condamnation juridique pour tentative d’assassinat. C’est à ce moment qu’il a fait ce rêve.

Notes
Houssiné: battu avec une houssine qui est une baguette de houx ou de tout autre bois flexible, employée notamment pour faire aller sa monture ou battre les tapis, les vêtements. (Trésor de la langue française informatisé)

Malotru: mal en point.

Texte témoin
Éd. par Frédéric Deloffre, Genève et Lille, Librairie Droz et Librairie Giard, 1956, p. 92.




Parodie de rêve

Les prédictions faites à Brideron

Un jour que j’avois mal passé la nuit, à cause des puces et des punaises, qui couchoient pêle-mêle avec nous dans nos cabanes, je m’endormis à ma place de fatigue: ce fut un bonheur que je ne fus pas houssiné; mon pauvre esprit rêva, et je crus voir un Phantôme que je ne connoissois pas, duquel sortit ce discours:

«O fils de Brideron le guerrier, je viens exprès ici pour te parler. Jeune homme, béche, sois battu comme plâtre, et dévoré des punaises, tu ne le seras jamais du Loup; mais par ce moyen, tu trouveras la patience; ne la lâche pas si tu la tiens: Je t’annonce que ta Mere t’attend le fuseau à la main; que ses Galands ne tiennent rien: Que tu verras ton Pere au coin de son feu crachant sur les tisons, et fumant pipette. Réjoüis-toi d’être malheureux; tu es bien malotru, mais tu guériras de tous tes maux aussi aisément qu’un cheval du farcin : j’ai parlé; profite. Adieu pauvre Diable.»

Ce fantôme disparut alors, et je me reveillai guai comme un pinçon [...].

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