Eschyle

Les Perses

Grèce   -472

Genre de texte
tragédie

Contexte
Xerxès, Grand Roi des Perses, est parti en campagne pour soumettre la Grèce et venger la défaite subie par les troupes de son père, Darios, à Marathon. Alors qu’ils sont encore sans nouvelles de l’expédition, les conseillers du Grand Roi, les Fidèles, et la reine mère, Atossa, partagent leurs craintes face au projet de Xerxès. Le rêve d’Atossa est donc un mauvais présage. Il apparaît au début de la pièce, v. 181-198.

Notes
L’expédition de Xerxès (480-479 av. J.C.) est le second épisode des guerres médiques, elle suit l’expédition de 490, ordonnée par Darios mais conduite par ses généraux. Sans toutefois anéantir toute la puissance perse comme le prétend Eschyle, la seconde guerre médique leur fait perdre le contrôle de la mer Égée aux mains d’Athènes.

Commentaires
Selon l'anthropologue et psychanalyste George Devereux, le rêve d'Atossa serait un rêve authentique déguisé en allégorie. Xerxès serait en rivalité œdipienne avec son père, espérant gagner là où Darios avait été vaincu. Les femmes sous le harnais représentent le coït et la sujétion sexuelle de deux épouses dans un harem perse. Leur conflit représenterait le conflit intérieur d'Atossa, qui lutte contre son complexe de Jocaste, pendant féminin du complexe oedipien de Xerxès. Ces deux sœurs sont étroitement liées à l'histoire personnelle d'Atossa, car celle-ci avait été mariée à Darios en même temps que sa propre sœur, Artystone. Celle-ci était la mieux aimée, mais Atossa était la plus puissante. Avant Darios, Atossa avait été mariée à un de ses frères, mort assassiné, puis à un imposteur qui se prétendait son frère. Il serait donc concevable qu'Atossa envisage inconsciemment d'être maintenant la reine de son fils. Mais son surmoi de femme dorienne se révolte et les forces de l'inhibition l'emportent.

G. Devereux, Les rêves dans la tragédie grecque, Paris, Les belles lettres, 2006, p. 1-27.

Texte original

Texte témoin
Eschyle, Tragédies, trad. Paul Mazon, Paris, Budé, Coll. Les belles lettres, 1962.

Édition originale
Aeschylus, Persians, ed. Herbert Weir Smyth, Ph. D., Site Perseus, version basée sur Aeschylus, trad. angl. Herbert Weir Smyth, Ph. D., Harvard University Press, London, 1926, v. 1 & 2.




Le rêve d'Atossa

Deux femmes sous le joug

LA REINE
Je vis chaque nuit au milieu des songes, depuis que mon fils, équipant une armée, est parti ravager la terre d'Ionie; mais jamais encore je n'en vis, en traits nets, de pareil à celui de la dernière nuit: écoute.

Deux femmes, bien mises, ont semblé s’offrir à mes yeux, l’une parée de la robe perse, l’autre vêtue en Dorienne, toutes deux surpassant de beaucoup les femmes d’aujourd’hui, aussi bien par leur taille que par leur beauté sans tache. Quoique sœurs du même sang, elles habitaient deux patries, l’une la Grèce, dont le sort l’avait lotie, l’autre la terre barbare. Il me semblait qu’elles menaient quelque querelle et que mon fils, s’en étant aperçu, cherchait à les contenir et à les calmer — cependant qu’il les attelle à son char et leur met le harnais sur la nuque. Et l’une alors de tirer vanité de cet accoutrement et d’offrir une bouche toute docile aux rênes, tandis que l’autre trépignait, puis, soudain, de ses mains met en pièces le harnais qui la lie au char, l’entraîne de vive force en dépit du mors, brise enfin le joug en deux. Mon fils tombe; son père, prêt à le plaindre, Darios, paraît à ses côtés; mais, dès qu’il le voit, Xerxès déchire les vêtements qui couvrent son corps !

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