Artémidore

Jugements astronomiques des songes (IV, b)

Grèce   125

Texte témoin
LES JUGEMENS ASTRONOMIQUES des Songes, par ARTEMIDORE, Auteur ancien et renommé. Plus Auguste Niphe des Divinations, & Augures, par Anthoine du Moulin. A TROYES, Chez NICOLAS OUDOT, demeurant en la ruë Notre Dame : au Chapon d’Or Couronné, 1634.

Premier livre
I b. Des arts, ouvrages et exercices
II a. Des activités usuelles
II b. Des animaux
II c. De naviguer
II d. Des lieux de plaidoirie
III a. Du jeu
III b. Des plantes
IV a. De la variété des songes
IV b. Des choses qui adviennent
V. Exemples de songes

Bibliographie
Pour une version moderne et intégrale de cet ouvrage :
Artémidore :La clef des songes. Onirocritique, traduit du grec par Jean-Yves Boriaud, Paris, Arléa, 1998.

Artémidore, La clef des songes , traduit par A.J. Festugière. Paris, Vrin, 1975.

Texte original




Règles d'interprétation

[10/11]

Des choses que l’on songe dire, et comment elles adviennent.
Tout ce que quelqu’un songe dire à autrui, et que ce qu’il dit ne touche à son métier, art ou étude et occupation, ainsi plutôt à ceux de celui à qui il songe parler, tout cela se doit entendre retourner à celui qui songe. Et aussi au contraire, mais comme des arts mécaniques que l’on songe exercer, après les avoir appris, cela est bon et signe de bien et avancement, ainsi se doit interpréter en tous autres arts. Or suivant propos, ce que les médecins songeront dire et traiter avec autrui de matière de droit, et au contraire le légiste ou avocat de matière de médecine, se retourne de celui qui songe, et de lui se doit interpréter. Songer faire bien à ceux dont l’on tire ou espère du profit, ou bien ne leur faire aucun mal, est signe de bien, car autrement on ne serait pas en leur grâce, et on n’aurait ni utilité ni avancement par eux. Et songer le contraire est mauvais. Héraclide de Thrace, poète tragique, ayant à exercer son art, et concourant avec d’autres poètes tragiques à Rome, songeait qu’il tuait les spectateurs et ceux qui étaient commis pour en juger et ses amis. Il perdit l’honneur et fut vaincu en ce concours car l’on n’a pas coutume d’occire ses amis, mais bien ses ennemis.
Ainsi son songe sembla lui prédire que les juges et spectateurs lui seraient contraires et comme ennemis, et puis encore étant tués ne le pourraient aider.

Du foyer.
Songer de bâtir un foyer en pays étranger, à celui qui n’est pas en propos de se marier, ou d’aller habiter en pays étranger, signifie mort.

Des songes doubles ou composés : des robes immobiles, et de couleurs.
Il faut diviser ou séparer les songes, selon leurs parties diverses, et séparément les discuter et interpréter. Comme par exemple, quelqu’un songea qu’il naviguait en galère ou navire sur la mer. Et puis après étant sorti, il songea qu’il marchait sur la mer. Quant à la première partie de ce songe, tu en trouveras raison et exposition au second livre précédent. Et quant à la seconde partie, qui est de cheminer sur la mer, tu auras recours au tiers livre, pour savoir que cela signifie. Songer vêtir robes immobiles, n’est pas bon et signifie empêchement ou mort. Les choses de même couleur ont même signifiance. Quelqu’un songea que l’on lui avait donné un Maure, et le lendemain on lui donna un tonneau plein de charbon.
Une femme songea qu’elle avait achevé sa toile, et tôt après elle mourut.

De couvrir, oindre, ou farder son visage.
Cacher, oindre ou farder sa face, de quelque chose que ce soit, n’est aucunement bon songe, car cela signifie quelque faute, crime ou forfait, sur celui qui aurait fait tel songe. Un jeune homme de Phaos songea qu’il fardait son visage à la mode des femmes, qu’en advint-il? Il fut surpris en paillardise et adultère. Après avoir été condamné, il se gouverna encore mal. Les choses qui sont bonnes à un visage, si l’on songe de les employer en un autre ne sont pas bonnes : c'est-à-dire qu’elles ne signifient rien de bon à celui qui songe. Comme un tavernier de Candie songea qu’il se lavait le corps de vin et quelqu’un de ceux qui se faisaient fort d’interpréter les songes, lui exposa qu’il ferait profit en vin et qu’il lèverait ses dettes, desquelles il était obligé : mais tout le contraire advint, car son vin fut corrompu, tourné et gâté.

De changement en mieux et d’être crucifié.
Songer d’être changé et transformé en meilleur état, est bon à gens riches, quand mêmement ils songeraient être transmués en Dieux, pourvu toutefois que les circonstances ne soient point infructueuses. Comme quoi? Quelqu’un songea qu’il était transformé en soleil, et qu’ayant onze rayons, il passait par la grand place de la ville. Et qu’en advint-il? Il fut fait capitaine de la ville, et onze mois après en l’état de capitaine il trépassa. Songer d’être crucifié signifie grande gloire, honneur et richesse : car celui qui est crucifié, est plus haut élevé que les autres. Ménandre songea qu’il était crucifié en Grèce devant le temple de la ville de Diospolis, et il fut fait chef dudit temple, ou il acquit honneur et biens.

Des amis ou ennemis.
Songer voir les amis ou ennemis converser et être assemblés, signifie inimitié envers celui qui songe. Hélène songea que quelques-uns de ses amis s’en allaient dehors avec un de ses ennemis, et elle tomba en divorce et inimitié avec ses propres amis, même pour certaines causes et moyens qui ne touchaient en rien auxdits ennemis.

Des oeuvres imparfaites, ou à demi faites.
Des villes.
S’il est possible en même temps faire de bons et mauvais songes.

Non seulement en une semaine, mais aussi en une même nuit, l’on peut songer de bons et de mauvais songes. Je dis encore plus fort, par un seul songe on peut voir des choses bonnes et mauvaises, et il faut les distinguer par le jugement. Et ce n’est pas chose étonnante, attendu que la vie et les affaires de tout un chacun sont ainsi, à savoir mêlées ordinairement de bien et de mal, et l’on peut faire et souffrir ensemble, en même temps, bien et mal. Et il ne se faut pas toujours arrêter à une même issue ou événement de songe, en tentant d’en faire sortir toujours pareil effet. En quoi s’abusa quelquefois. Antipater interprète des songes : car comme quelqu’un avait songé qu’il embrassait du fer, il lui advint d’être réduit en servage et de vivre en ses fers. Le bon Antipater prédit à un autre qui avait fait un pareil songe, qu’il serait condamné au combat particulier en champ clos, ou à tenir le jeu d’escrime et vivre aussi entre, et par le fer, à savoir par l’exercice et art d’escrimer, où l’on ne fait que traîner et manier les dagues et épées de fer. A cet homme toutefois semblable chose n’advint pas, car celui-ci eut un membre coupé. Comme quoi il ne faut pas toujours s’arrêter à un même point et effet qui serait advenu : car ce serait à faire la bête (comme sont les ménétriers qui ne savent qu’une note) mais il faut être ingénieux à inventer toujours quelque chose, qui ne soit pas complètement différent, mais d’approchant, car l’esprit de la nature est fertile, et se récrée et ébat en variété et diversité.

Que les frères signifient les ennemis.
Les frères ont même signifiance que les ennemis, en tant que touche l’effet et événement des songes, et les ennemis au semblable ont pareil effet que les frères, et non sans propos : la raison est que les frères ne nous apportent rien quand ils naissent et viennent au monde, mais diminuent notre héritage et succession paternelle, et font que ce qui serait tout à nous, soit divisé en plusieurs parts entre eux et nous. Timocrate songea qu’il ensevelissait ou faisait enterrer un sien frère mort, et peu de temps après mourut un de ses adversaires et ennemis. Et cela ne signifie pas tant seulement le trépas des frères, la perte des ennemis, mais aussi la délivrance ou allégeance de quelque perte ou dommage que l’on attendait, et dont l’on avait douté, comme il advint à Dioclès le Grammairien, qui ne fit pas la perte d’argent, dont il se doutait, et qu’il craignait ayant premièrement songé qu’il voyait son frère mort.

Des banquets funèbres, et de revivre et monter au ciel.
Ni voir ni manger les viandes que l’on songe être mises en festins mortuaires, n’est bon en songe, ni songer faire tel festin à ses parents ou amis, car cela signifie ou prédit au malade la mort de sa personne, et à celui qui est en santé, le trépas de quelque sien familier. Songer de mourir et tôt après revivre n’est pas mauvais, et signifie victoire. Les choses qu’on a coutume d’offrir et présenter en oblation ou offrande aux trépassés, il n’est pas bon songer de les leur donner, ni de les leur prendre car cela signifie la mort pour celui qui songe ou pour quelqu’un de ses parents. Toutefois prendre vivres, or, argent, habits et vases de la main des morts, soit le tout ensemble, soit à diverses reprises, est bon songe, et signe de profit. Mais, pour celui qui est malade, songer de monter au ciel signifie la mort tout comme songer être en grande tranquillité, repos et félicité.

Dedans combien de temps adviennent les songes.
Toutes les choses qui dans la vie arrivent habituellement à un certain moment, et qui sont vues en songe, se doivent rapporter audit temps, et les autres qui n’ont aucun temps certain ni déterminé, se doivent aussi rapporter à un temps non certain ni déterminé, où leur effet se doit montrer. Et il faut juger du moment proche ou lointain où se réalisera le songe, selon les circonstances du songe : car celui-là serait bien sot qui annoncerait pour dans un an l’effet d’un songe d’un homme qui espère ou craint que quelque chose arrive le lendemain. Et faut savoir que les choses que l’on songe voir de plus loin, (comme serait autour du Ciel) ont leur effet plus tardif, pour cause de la longue distance. Davantage il ne faut pas ignorer que les bons ou mauvais songes, signifient aussi aux grands et petits, plus grands ou plus petits biens ou maux.

Fin de l’Epitome du quatriesme livre.

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