Jacques Ferron

Le ciel de Québec

Québec   1969

Genre de texte
roman

Contexte
Ce rêve se situe dans le chapitre XXX.

Peu de temps après la mort de son amoureuse Eurydice, nom donné par Jacques Ferron à l’écrivaine Anne Hébert, Orphée, nom donné par l’auteur au poète Hector de Saint-Denys Garneau (1912-1943), se retrouve seul dans son manoir et rêve qu’il discute avec son bon ami Jean Le Moyne, essayiste.

Notes
Saint Sylvestre : pape romain de 314 à 325 dont l’autorité fut éclipsée par celle de l’empereur Constantin. Saint Sylvestre est fêté le 31 décembre.

Jean Le Moyne : essayiste (1913 - 1996). En 1929, il rejoint le groupe littéraire de Saint-Denys Garneau et participe à la fondation de la revue La Relève en 1934.

Frère André : frère de la Congrégation de Sainte-Croix à Montréal qui vécut de 1845 à 1937. Il fut réputé parmi la population pour son pouvoir de guérison. Sa sépulture attire encore nombre de pèlerins à l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal.

(4) Grondines : village fondé dès 1680 sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, quelque peu à l’ouest de la ville de Québec.

La première édition de ce roman contenait un autre rêve: voir fiche 1753.

Texte témoin
Le ciel de Québec, Montréal, VLB Éditeur, 1979, p. 323-324.

Édition originale
Le ciel de Québec, Montréal, Éditions du Jour, 1969.




Le premier rêve d’Orphée

Discussion avec Jean Le Moyne

Orphée laissa tomber le livre, aussi découragé que le pauvre Saint Sylvestre, mais à sa grande surprise et pour son réconfort, il crut entendre son ami Jean Le Moyne lui dire que c’était fort bien écrit.

— Mais qu’est-ce? Et de qui?

— C’est un chronicon composé en latin, traduit par l’auteur et approuvé en ces termes : «Nous soussignés Fr. Claude Marois, docteur en théologie et humble prieur du couvent des Frères prêcheurs de Lyon, avons lu et examiné avec toute l’attention possible le remarquable et excellent ouvrage du très grave et très prudent François Benoît Gouon de Bourges, religieux célestin de Lyon, composé par lui pour le bien général des fidèles et intitulé Chronicon SS. Deiparae Virginis Mariae.»

— Jean!

— Oui, Orphée.

— Ah! je te croyais parti.

- Je pensais au Frère André, sans doute un contemporain de saint Sylvestre, car c’en était un autre qui ne descendait pas un escalier sans inquiétude à cause du compère derrière, qui lui donnait parfois de furieuses poussées ; il faisait alors des sauts extraordinaires, mais comme il avait des pattes de chèvre, il est mort, dieu merci, sans tomber.

Jean Le Moyne se mit à rire avec de curieux sifflements, d’une manière qu’Orphée ne lui connaissait pas ; il riait comme le vent de Grondines.

— Jean, pourquoi ris-tu ainsi?

Il riait ainsi parce que c’était le vent qui riait à sa place, parce qu’il n’était pas là et qu’Orphée avait tout simplement rêvé qu’il lui parlait. Le pauvre se retrouva seul et abandonné comme le saint au pied de son escalier.

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