Marie-Claire Blais

Le loup

Québec   1972

Genre de texte
roman

Contexte
Ce rêve se situe à la toute fin du roman.

Sébastien, un jeune pianiste, s’éprend d’hommes plus âgés que lui, dont Georges, et espère, par son amour inconditionnel et sa tendresse, leur transmettre un brin de chaleur humaine.

Texte témoin
Le loup, Montréal, Boréal (Compact), 1990, p. 171-172.

Édition originale
Le loup, Montréal, Éditions du Jour, 1972.




Le troisième rêve de Sébastien

La présentation à la famille

Plusieurs fois, pendant les nuits que je passais près de Georges, immobile contre son dos, effleurant parfois de ma main sa nuque en sueurs, quand il lui arrivait de souffrir beaucoup, je faisais un rêve, souvent le même : j’amenais Georges chez mes parents, à la maison, et réunissant mes frères et soeurs autour de la table, je leur disais, sans aucune contrainte, que Georges était leur ami, comme il était le mien. Cette vérité, ils la comprenaient sans effort, la signification sexuelle cachée, ils ne la pénétraient peut-être pas, mais ils manifestaient, pour Georges comme pour moi-même, le même respect, la même douceur perspicace. Nous dînions en silence : l’un de mes plus jeunes frères se blottissait contre les genoux de Georges et le regardait parfois d’un oeil sombre et voluptueux, il lui apportait des choses à manger, prenait de lui un soin bienfaisant et cette entente me réjouissait profondément. Je sortais de ce rêve pour retrouver un Georges aigri qui me disait sèchement : « Vous m’épuisez, vous ne vous rendez pas compte, mais avec vous, je ne dors plus, je ne vis plus, vous me faites beaucoup de mal! Mon dieu, quel malheur de vous avoir connu! »

Page d'accueil

- +