Marcel Raymond
Poèmes pour l’absente Genre de texte Contexte Texte témoin
Poésie
Cette œuvre est divisée en deux livres séparés par une section intitulée « Rêves » dans laquelle figurent onze récits de rêves.
Poèmes pour l’absente, Lausanne, Éditions Rencontre, 1968, p. 53-77.
Telle qu’elle devait être
Hier, vers trois heures, comme je descendais le sentier herbeux qui s’enfonce dans le vallon de l’Eaumorte, au point où le sentier contourne des buissons de lilas, depuis longtemps défleuris, j’ai cru tout à coup la voir, non pas telle que je l’ai connue, mais telle qu’elle devait être, jeune fille, adolescente, avant notre rencontre, alors qu’elle venait ici faire des séjours chez son amie et que toutes deux (elle me l’a dit) se promenaient dans ce petit bois solitaire, rempli de chants d’oiseaux. Elle s’est retournée, ne me voyant pas, et elle a esquissé un sourire. Ses cheveux étaient séparés par une raie médiane, des cheveux châtain clair, retenus sur la nuque par un grand nœud de soie brune, sa blouse était légère, peut-être avait-elle une jupe à plis. Je voudrais retrouver la parole qu’elle a murmurée, et ce sourire intérieur, pensif, ne s’adressant à personne, sourire d’attente qu’elle ne pouvait donner qu’à la vie qui commençait pour elle. Il me semble qu’elle tenait à la main la tige d’une fleur; souvent elle se baissait en marchant pour en cueillir.