Carl Gustav Jung

Ma vie

Suisse   1961

Genre de texte
Mémoires

Contexte
N’étant pas riche, Jung décide de s’inscrire à l’université locale, à Bâle, et de remettre à plus tard son désir d’étudier l’histoire de l’Égypte ancienne et de Babylone. Hésitant sur le choix d’études, il fait ces deux rêves qui lui permettront de prendre sa décision. Il étudiera la médecine.

Notes

«  Numéro 1 » et «  Numéro 2 » réfèerent à des parties conflictuelles de la personnalité de Jung, qu’il décrit comme «  la collision des contraires ».

Texte original

Texte témoin
Erinnerungen, Träume, Gedanken , Zürich und Stuttgart, 1961, p. 89-90.

Ma vie, souvenirs, rêves et pensées. Traduit de l’allemand par Roland Cahen et Yves Lelay, Paris, Gallimard, 1966, p. 106-107.




Rêve de Jung

Un radiolaire gigantesque

Cette décision, rapide en apparence, avait eu cependant son prélude. Quelques semaines plus tôt, à l’époque même où, pour la décision, il y avait lutte en moi entre mon côté numéro 1 et mon côté numéro 2, j’eus deux rêves. Dans le premier, j’allai dans une sombre forêt qui s’étendait le long du Rhin. J’arrivai à une petite colline, un tumulus funéraire, et je me mis à creuser. Au bout d’un moment, à mon grand étonnement, je tombai sur des os d’animaux préhistoriques. Cela m’intéressa passionnément et à ce moment même je sus qu’il fallait que je connaisse la nature, le monde dans lequel nous vivons et tout ce qui entoure. .

Ensuite vint un second rêve dans lequel je me trouvais encore dans une forêt. Des cours d’eau la parcouraient et, à l’endroit le plus obscur, j’aperçus, entouré d’épaisses broussailles, un étang de forme ronde. Dans l’eau, à moitié enfoncé, il y avait un être extraordinairement étrange : un animal rond, scintillant de multiples couleurs et composé de nombreuses petites cellules ou d’organes ayant la forme de tentacules. Un radiolaire gigantesque, d’environ un mètre de diamètre. Que cette créature magnifique soit restée à cet endroit caché, dans l’eau claire et profonde, sans être dérangé, me parut une merveille indescriptible; elle éveilla en moi le plus ardent désir de savoir, si bien que je me réveillai le cœur battant. Ces deux rêves me déterminèrent avec une force invincible pour les sciences naturelles et supprimèrent tout doute à ce sujet.

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