George Orwell

1984

Angleterre   1949

Genre de texte
roman

Contexte
Ce rêve se situe au chapitre 2 de la première partie du roman, qui en comprend trois. On est dans une société où le gouvernement contrôle tous les aspects de la vie des citoyens. Winston, personnage principal du roman, cherche d’autres personnes prêtes à se révolter contre le gouvernement. O’Brien fait un clin d’œil à Winston lorsqu’ils se croisent au Ministère et Winston essaie de comprendre ce geste. Plus loin dans le récit, O’Brien, membre important du Parti, invitera Winston à participer à une résistance secrète. Mais c’est un piège : Winston sera non seulement arrêtée et torturé par O’Brien pour ses crimes contre le Parti, mais il subira aussi un lavage de cerveau. À la fin de l’histoire, le lieu «où il n’y a pas de ténèbres» est en fait la salle trop éclairée où l’on amène Winston pour le torturer.

Notes
George Orwell (1903-1950) adhérait passionnément aux idéaux socialistes et se joindra aux républicains espagnols dans leur lutte contre le fascisme en 1936. Là, il se heurtera au mensonge totalitaire venu d'Union soviétique et cette expérience lui inspirera ses œuvres subséquentes. Il ne tournera cependant pas le dos au socialisme et continuera à lutter pour éviter la mainmise de l'État sur la culture, la littérature, l'art et la vie privée.

Texte original

Texte témoin
Nineteen eighty-four , New York : Plume, 2003, p. 25-26.

Édition originale
1984, Paris : Gallimard, 1978, p. 41-42. Traduit de l’anglais par Amélie Audiberti.




Le rĂŞve de Winston

Le rendez-vous

Il y avait longtemps — combien de temps? Sept ans, peut-être, — il avait rêvé qu’il traversait une salle où il faisait noir comme dans un four. Quelqu’un, assis dans cette salle, avait dit, alors que Winston passait devant lui : «Nous nous rencontrerons là où il n’y a pas de ténèbres.» Ce fut dit calmement, comme par hasard. C’était une constatation, non un ordre. Winston était sorti sans s’arrêter. Le curieux était qu’à ce moment, dans le rêve, les mots ne l’avaient pas beaucoup impressionné. C’est seulement plus tard, et par degrés, qu’ils avaient pris tout leur sens. Il ne pouvait maintenant se rappeler si c’était avant ou après ce rêve qu’il avait vu O’Brien pour la première fois. Il ne pouvait non plus se rappeler à quel moment il avait identifié la voix comme étant celle d’O’Brien. L’identification en tout cas était faite. C’était O’Brien qui avait parlé dans l’obscurité.

Winston n’avait jamais pu savoir avec certitude si O’Brien était un ami ou un ennemi. Même après le coup d’œil de ce matin, il était encore impossible de le savoir. Cela ne semblait pas d’ailleurs avoir une grande importance. Il y avait entre eux un lien basé sur la compréhension réciproque, qui était plus important que l’affection ou le rattachement à un même parti. «Nous nous rencontrerons là où il n’y a pas de ténèbres», avait dit O’Brien. Winston ne savait pas ce que cela signifiait, il savait seulement que, d’une façon ou d’une autre, cela se réaliserait.

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