Michel Tremblay
Le cœur éclaté Genre de texte Contexte Texte témoin
roman
Le rêve se situe au début de la deuxième partie du roman.
À son arrivée à Key West, Jean-Marc attrape une vilaine grippe et raconte le cauchemar qu’il faisait, enfant, lorsqu’il était malade.
Le cœur éclaté, Montréal, Leméac, coll. «Babel», 1989, p. 97-98.
Des lutins vicieux
Enfant, lorsque je faisais de la fièvre, le même cauchemar revenait hanter mes journées autant que mes nuits: des lutins vicieux et laids commençaient par agiter des chaînes sous mon lit – je pouvais les entendre rire et sacrer en brassant leurs fers pour bien me faire remarquer leur présence –, puis décidaient d’envahir ma couchette trempée de sueur: ils partaient à l’assaut de la grande cage de métal, grimpaient le long des pattes, lançaient des crochets pour bien assurer leur équilibre – je voyais les petites mâchoires de fer mordre mon drap, mes couvertures ! –, puis aboutissaient dans le lit en brandissant dans ma direction divers instruments de torture plus menaçants les uns que les autres. Ils fourmillaient autour de moi, je sentais déjà la froideur du métal sur ma peau trempée. Je hurlais de peur et rien ni personne ne pouvait me consoler, apaiser mon agitation.