Charlotte Brontë

Villette

Grande-Bretagne   1853

Genre de texte
roman

Contexte
Ce passage est tiré du Chapitre 15, “The Long Vacation,” qui se situe vers la fin du premier des trois volumes dont se compose ce roman.

Lucy Snowe enseigne l’anglais à l’école de filles de Madame Beck dans la ville fictive de Villette (Bruxelles), en Belgique. Après un semestre difficile durant lequel elle réussit lentement à gagner le respect des élèves et des autres professeurs, Lucy se sent abandonnée lorsque le collège se vide pour les vacances. Une domestique et une «pauvre élève déformée et imbécile» sont ses seuls compagnons. Déprimée, Lucy commence à errer dans la campagne environnante. Finalement, elle se met au lit et vit une sorte de délire. Puis elle s’endort et fait le cauchemar raconté ici.

Notes
En 1843, Charlotte Brontë (1816-1855) a vécu au Pensionnat Héger à Bruxelles, où elle a suivi des cours et enseigné l'anglais. Durant ces années, elle a vécu d'intenses périodes de solitude, à l'instar de la narratrice de ce roman, qui est considéré comme son &oelig:uvre la plus autobiographique.
Goton est la cuisinière du pensionnat.

Commentaires
Agée de 23 ou 24 ans, la narratrice est dans les confidences de la jeune et belle Ginevra, qui fait tourner la tête à bien des hommes, notamment au beau et jeune docteur John. Ce rêve traduit ses angoisses inconscientes et le sentiment qu'elle a de ne pas être aimée. Il arrive à la fin du premier livre, dans un roman qui en compte trois. Ce rêve, qui traduit la détresse psychologique de Lucy, sera suivi de son évanouissement en pleine rue -- ce qui lui permettra d'être prise en charge par un médecin et transportée dans une maison amie.

Texte original

Texte témoin
Villette, Oxford: Oxford University Press, 2000, p. 159-160.




Rêve de Lucy

On me force à boire la souffrance

Sleep never came!

I err. She came once, but in anger. Impatient of my importunity she brought with her an avenging dream. By the clock of St Jean Baptiste, that dream remained scarce fifteen minutes — a brief space, but sufficing to wring my whole frame with unknown anguish; to confer a nameless experience that had the hue, the mien, the terror, the very tone of a visitation from eternity. Between twelve and one that night a cup was forced to my lips, black, strong, strange, drawn from no well, but filled up seething from a bottomless and boundless sea. Suffering, brewed in temporal or calculable measure, and mixed for mortal lips, tastes not as this suffering tasted. Having drank and woke, I thought all was over: the end come and past by. Trembling fearfully — as consciousness returned — ready to cry out on some fellow creature to help me, only that I knew no fellow creature was near enough to catch the wild summons — Goton in her far distant attic could not hear — I rose on my knees in bed. Some fearful hours went over me: indescribably was I torn, racked and oppressed in mind. Amidst the horrors of that dream I think the worst lay here. Methought the well-loved dead, who had loved me well in life, met me elsewhere, alienated: galled was my inmost spirit with an unutterable sense of despair about the future. Motive there was none why I should try to recover or wish to live; and yet quite unendurable was the pitiless and haughty voice in which Death challenged me to engage his unknown terrors. When I tried to pray I could only utter these words: ‘From my youth up Thy terrors have I suffered with a troubled mind.’

Most true was it.

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