Jacques de Voragine

La Légende dorée

Italie   1280

Contexte
Ce rêve se situe au milieu du récit de la vie de Sainte Marie Magdeleine.

Texte témoin
Jacques de Voragine, La légende dorée, trad. de J.-B. M. Roze, introd. par H. Savon, Paris, Garnier-Flammarion, 1967, (public. orig., Paris, Perrin, 1913), T. II, p. 246-247.




Une princesse timide

La colère de Marie Magdeleine

Alors arriva un prince du pays avec son épouse qui venait sacrifier aux idoles pour obtenir un enfant. Magdeleine, en leur annonçant J.-C., les dissuada d'offrir des sacrifices. Quelques jours s'étant écoulés, Magdeleine se montra dans une vision à cette dame et lui dit: « Pourquoi, vous qui vivez dans l’abondance, laissez-vous les saints de Dieu mourir de faim et de froid? » Elle finit par la menacer que si elle ne persuadait pas à son mari de venir au secours de la misère des saints, elle encourrait la colère du Dieu tout puissant. Toutefois, la princesse n'eut pas la force de découvrir sa vision à son mari. La nuit suivante, Magdeleine lui apparut et lui dit la même chose; mais cette femme négligea encore d'en faire part à son époux. Une troisième fois, au milieu du silence de la nuit, Marie apparut à l’un et à l’autre; elle frémissait et le feu de sa colère jetait une lumière qui aurait fait croire que toute la maison était en flammes. «Dors-tu, tyran, dit-elle ? Membre de Satan qui est ton père, tu reposes avec cette vipère, ta femme, qui n'a pas voulu te faire connaître ce que je lui ai dit : «Te reposes-tu, ennemi de la croix de J.-C. ? Quand ton estomac est rempli d'aliments de toutes sortes, tu laisses périr de faim et de soif les saints de Dieu. Tu es couché dans un palais; autour de toi ce ne sont que tentures de soie, et tu les vois désolés et sans asile, et tu passes outre. Non, cela ne finira pas de cette sorte : et ce ne sera pas impunément que tu auras différé de leur faire du bien.» Elle dit et se retira. — À son réveil la femme, haletante et effrayée, dit à son mari troublé comme elle : «Mon seigneur, avez-vous eu le même songe que moi?» « Oui, répondit-il, et je ne puis m’empêcher d'admirer et de craindre. Qu'avons-nous donc à faire?» «Il vaut mieux pour nous, reprit la femme, nous conformer à ce qu'elle dit, plutôt que d'encourir la colère de son Dieu dont elle nous menace.» Ils reçurent donc les saints chez eux, et leur fournirent le nécessaire.

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