Anonyme

Aye d’Avignon

France   1200

Genre de texte
Chanson de geste

Contexte
Aye fait ce deuxième songe lors de l’arrivée de son mari qui vient incognito la délivrer des mains du Sarrasin Ganor.

Notes
- l. 1: Nos Français: Garnier, époux d’Aye, et ses compagnons

- l. 7: Aye, de la fenêtre: de la tour d’Aufalerne, à Aigremore, royaume du Sarrasin Ganor.

Texte original

Édition critique
Édition critique par S. J. Borg. Genève : Librairie Droz, «Textes littéraires français», 1967, vers 1946-1974.




Deuxième rêve d’Aye

La captive et le combat des bêtes

Nos Français sont tous débarqués,
De la barque ils tirent sur terre leurs bons chevaux.
Ils sont richement vêtus à la mode de leur pays,
De belles fourrures de martre et de pelisses d’écureuil.
Le soleil brille sur leurs armes et l’or étincelle
Sur leurs vêtements, sur les brides et sur les selles.
Aye, de la fenêtre, les regarde.
Il n’y a pas plus de distance qu’un tir d’arc entre le port où elle les voit
Et l’endroit où elle se trouve dans la tour d’Aufalerne.
«Dieu», s’exclame la dame, «saint père des hommes,
Des vêtements si riches ne peuvent avoir été faits que dans mon pays.»
En l’entendant parler ainsi, une de ses gouvernantes
Lui demande : «Qu’est-ce qui se passe, belle amie?»
Et la duchesse lui dit : «Es-tu capable d’interpréter les songes?

La nuit dernière, pendant mon sommeil, j'ai fait un très mauvais songe :
J’étais montée en haut sur un tertre.
Le roi Ganor, lui, gisait sur l’herbe,
Et je tenais solidement sa tête entre mes mains.
Du haut du ciel viennent, en volant, deux aigles.
[Et] Ils voulaient, de force, nous tirer, lui et moi, près d’eux.
Quand un faucon arriva, volant du côté de mon pays,
Et [aussi] un lion plus blanc qu’aucune autre bête.
Et le faucon volant se rua sur les aigles
Et ne voulut pas les lâcher avant de les avoir abattus;
Et le lion, lui-même, les prenait par la tête,
Se refusait à les laisser et les dépeçait en mille morceaux.»

«Dame», répondit la païenne, «une grande joie est en train de vous arriver.
Un secours tellement grand vous est arrivé ici
Que, si le roi le savait, il serait bien malheureux.»

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