Charles Baudelaire
Les Paradis artificiels Genre de texte Contexte Le mangeur d’opium confie rêver souvent de Levana, la déesse romaine qui surveille et régit l'éducation des enfants. Pour apprendre aux enfants la lutte, la douleur et la tentation, Levana emploie trois déesses de la tristesse appelées les notre-dame des tristesses. Le personnage raconte ici l’intervention d’une des déesses auprès d’un aveugle qui rêve de sa fille récemment décédée. Texte témoin
essai
Le rêve se situe dans la troisième partie du texte intitulé « Le mangeur d’opium » qui comprend neuf chapitres. Le rêve fait partie du huitième chapitre, « Visions d’Oxford », de la partie ii, « Levana et nos notre-dame des tristesses ».
Œuvres complètes, édité par Y.G. le Dantec, Paris, Gallimard, 1964, p. 454-455.
Il rêve de sa fille
La plus âgée des trois sœurs s'appelle Mater Lachrymarum, ou notre-dame des larmes. C'est elle qui, nuit et jour, divague et gémit, invoquant des visages évanouis. […] C'est elle, je le sais, qui, tout l'été dernier, est restée au chevet du mendiant aveugle, celui avec qui j'aimais tant à causer, et dont la pieuse fille, âgée de huit ans, à la physionomie lumineuse, résistait à la tentation de se mêler à la joie du bourg, pour errer toute la journée sur les routes poudreuses avec son père affligé. Pour cela, Dieu lui a envoyé une grande récompense. Au printemps de l'année, et comme elle-même commençait à fleurir, il l'a rappelée à lui. Son père aveugle la pleure toujours, et toujours à minuit il rêve qu'il tient encore dans sa main la petite main qui le guidait, et toujours il s'éveille dans des ténèbres qui sont maintenant de nouvelles et plus profondes ténèbres...