Anonyme

Le siège de Barbastre

France   1200

Genre de texte
Chanson de geste

Contexte
Chanson de geste de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe appartenant au « grand cycle » de Guillaume d’Orange, et dans laquelle Beuves de Commarchis (un des frères de Guillaume) joue un rôle fondamental.

Le siège de Barbastre raconte la défaite des guerriers sarrasins qui s’efforcent de reconquérir la ville de Barbastre, en Aragon, tombée aux mains de Beuves de Commarchis et de ses fils Girart et Guielin. Le sentiment tendre qu’éprouvent certaines Sarrasines pour des guerriers chrétiens est un thème classique utilisé avec habileté par le narrateur. Le songe de Beuves de Commarchis (laisse XCIV), et aussi celui de la Sarrasine Almarinde (laisses CLIX et CLX) se rattachent à ce thème-là.

Beuves de Commarchis et ses fils Girart et Guielin se trouvent dans la ville de Barbastre assiégée par les Sarrasins. Une nuit, Girart sort de la ville à l’insu de son père afin de rendre visite à Malatrie, une Sarrasine amoureuse de lui. Guielin et un certain nombre de guerriers chrétiens l'accompagnent. Les Sarrasins surprennent les compagnons de Girart. Dans son palais de Barbastre, Beuves de Commarchis fait entre-temps un songe.

Texte original

Texte témoin
Édité par Bernard Guidot, Paris, Honoré-Champion éditeur (diffusion hors France : éditions Slatkine, Genève), 2000, vers 3051-3090.




Songe de Beuves de Commarchis

Attaqué par des chiens et un lion

Laisse XCIV

Beuves est dans la salle la plus haute du palais.
Un peu avant l’arrivée du jour, [pendant qu’] il dormait profondément,
Il fit un songe qui le remplit de peur.
[Il songe] qu’il chassait avec ardeur un sanglier dans un bois,
Quand plus de quinze féroces chiens de chasse arrivèrent à l’improviste.
Ils lui enlevèrent sa proie, et cela le fait souffrir.
Il empoigne son épée à la lame couverte d’arabesques, il frappe les chiens sur-le-champ.
Il aurait tué cruellement tous ces chiens
Quand apparut un lion qui, sur lui, saute impétueusement.
Il le prend par le bras droit, [et] il le tire et l’allonge,
De telle façon qu’il l’arrache presque du corps.
Beuves est effrayé, et il se lève.
Beuves au noble corps s’éveille si brusquement
Que les chevilles du lit se brisent et celui-ci s’effondre.
Le duc appelle ses gens à haute voix.
Ses chambellans arrivent vite et sans tarder.
« Qu’avez-vous, Seigneur? », demandent-ils. – « Je vous le dirai en quelques mots.
Je viens de faire un songe qui m’effraya beaucoup.
Faites venir ici ensemble Girart et Guion
[Et aussi] mon chapelain Didier, qui est si savant.
Il expliquera tout de suite mon songe. »
– « Seigneur duc », lui répondent ses serviteurs, « vous parlez en vain.
Ils sont partis furtivement vers les tentes des Sarrasins,
Afin de voir Malatrie, la belle au corps charmant.
– « Mon Dieu », dit le duc, « quelle sale tromperie.
Jamais ils ne nouèrent une rencontre amoureuse aussi malheureuse.
J’ai perdu mes enfants, j’en suis sûr. »
Il sortit du lit tout de suite.
On lui apporte ses armes, il saisit celles-ci immédiatement.
Après, il prit son cor en ivoire, [et] il en sonna fortement.
Ses hommes, en l’entendant, accourent tout de suite,
[Et] très courtoisement ils demandent :
« Qu’est-ce que vous avez, Seigneur duc? Dites-nous votre désir?
« Ã€ peu », dit le comte, « que le cÅ“ur ne me fond.
J’ai perdu mes enfants, si Dieu ne me les restitue pas.
Sortons tous de la ville sans aucun délai.
Au nom de Dieu omnipotent, rendez-moi mes enfants
Que, dehors, les Sarrasins ignobles attaquent. »
Et ils répondirent : « Ã€ vos ordres! »
[Et] par la porte principale ils sortent rapidement.

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