Henri Michaux

La nuit remue

Belgique   1935

Genre de texte
prose

Contexte
Le récit se situe dans la section qui s’intitule « Le sportif au lit ».

Texte témoin
Gallimard, 1935, p.20-29.




Rêves

L’homme-serpent

Le matin quand je me réveille, je trouve juché et misérablement aplati au haut de mon armoire à glace, un homme-serpent.

L’amas de membres contorsionnés, à la façon décourageante des replis de l’intestin, appartient-il tout entier à cette petite tête épuisée, accablée ? Il faut le croire. Une jambe démesurée pend, traînant contre la glace une misère sans nom. Qu’est-ce qui la ramènera jamais en haut cette jambe en caoutchouc? Si imprévu que soit le nerf dans ces hommes qui semblent tout mous et désossés, cette jambe a fait sa dernière enjambée. Quel aplatissement est celui de l’homme-serpent ! Il reste sans bouger. Pourquoi m’en occuper? C’est pas lui qui me semble bien désigné pour me tenir compagnie dans ma solitude et pour me donner enfin la réplique.

Attiré vers le bas par le poids d’invisibles haltères, écrasé par la compression d’on ne sait quel rouleau, il gît, haut placé, mais il gît.

Ainsi chaque matin. C’est lui qui « passe ma nuit »

Page d'accueil

- +