La libraire-éditrice

[Septembre 1976]

Rêve. Je suis entré dans une boutique d’une vieille ville ensoleillée pour proposer à une jeune femme, libraire-éditrice, un texte que je lui apporte et qui lui est dédié (son nom est écrit là, en tête du manuscrit). Je me montre timide comme un débutant; comme elle ne me connaît pas, il faut que je lui énumère, et c’est toujours gênant, les titres de mes livres précédents. Elle ne répond ni oui ni non et me laisse seul dans la pièce. Une porte ouverte, en face de moi, donne sur le corridor ensoleillé de l’immeuble. Une femme plus mûre (une locataire) vient la fermer. Je suis en train de passer la main sur la table pour en faire tomber des miettes, ou des grains de riz éparpillés. J’éprouve alors un regain de confusion en pensant que cette femme, me surprenant à cette besogne ménagère, en déduira des conséquences sur mes rapports avec la libraire qui risquent de gêner celle-ci.

J’imagine quelqu’un qui, après un pareil rêve, ayant gardé en mémoire le nom écrit en tête de la page (ce que je n’ai pas fait), se mettrait en devoir de retrouver cette personne dans la réalité. Selon toute probabilité, il n’aboutirait à rien, ne trouverait personne de ce nom; ou ce serait une femme sans aucun attrait, vieille ou malade... Une déception de cet ordre m’attendait dans le rêve; puisque à la fin, l’inconnue qui m’avait d’abord attiré, quand elle parlait, avec des amies jeunes comme elle, je ne sais plus de quoi – mais c’était une image pleine de charme et de gaieté –, était devenue un bibliothécaire, et même ce qu’on appelle un « bibliothèque » à moustaches, pâle et souffreteux.