Marcel Raymond

Par delà les eaux sombres

Suisse   1975

Genre de texte
témoignage

Contexte
«[…]ces rêves, pour moi très émouvants et que je crois avoir rendus au plus près, sont tout ce qui a émergé de trois semaines de quasi amnésie : rêves éveillés, rêves nocturnes, hallucinations, je vois mal comment ils se sont formés, bien que je reconnaisse en plusieurs l’interprétation onirique des étapes d’une maladie et d’un traitement.» (Note liminaire)

Texte témoin
Lausanne : Éditions L’Age d’homme, 1975, p. 25.




Rêve d’un malade

L’anneau manquant

On me fit monter au premier étage d’une vieille baraque de bois où étaient réunis des «écrivains». Il me fallut dire quelques mots. Je sentais mon cœur chavirer. Puis il y eut un repas dans une cave faiblement éclairée. C’est alors que je m’aperçus que ma main gauche ne portait plus mon anneau de mariage. En un tel moment (je savais la mort toute proche), rien de plus grave ne pouvait m’arriver. Je restai longtemps immobile, me demandant si j’étais la proie d’une hallucination. Je dévorai des yeux les cinq doigts de ma main, chaque centimètre de ma peau. Avais-je commis une faute qui méritât ce châtiment ? Ou l’avais-je oubliée, au moment où je n’aurais dû penser qu’à elle ? Mais tout à coup je vis au-dessus de ma tête, dans un ciel absolument obscur, une étoile. C’est donc qu’elle ne m’en voulait pas, qu’elle allait me protéger. Je pus enfin m’endormir, mais sans oser retirer ma main de ma poche par crainte d’être frappé de nouveau en plein cœur. Le lendemain, quand je me réveillai, l’anneau avait reparu ; mais il avait passé de l’annulaire au médius.

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