Marcel Raymond
Par delà les eaux sombres Genre de texte Texte témoin
témoignage
Lausanne : Éditions L’Age d’homme, 1975, p. 30.
La prison
Je me trouvais à l’intérieur d’une sorte de tour carrée qui était pour moi une prison (je songe aujourd’hui aux prisons de Piranèse), mais mon angoisse était tempérée, bien que je fusse condamné à y vivre pour une raison inconnue. Les parois étaient à claire-voie, mais il m’était impossible de rien apercevoir du dehors qui ne se perdît dans un nuage. Je n’étais pas seul dans la tour. Il y avait deux ou trois autres personnes — hommes ou femmes — qui ne cessaient de monter et de descendre, à la façon des singes, en prenant appui sur les poutres entrecroisées des parois. Tout en haut, une femme ayant une jambe cassée se déplaçait avec une relative facilité. Je me rappelle que j’essayais de temps en temps de lui venir en aide. Un jour elle disparut. Je ne crois pas qu’on nous ait jamais apporté de la nourriture. Ces escalades et ces décrochages, dans une lumière trouble, durèrent longtemps. Puis tout s’effaça comme une fumée.