Isaac Bazié

La Traversée nocturne

Burkina Faso   2004

Genre de texte
roman

Contexte
L’initiation des jeunes garçons en forêt allait bon train. La femme de Baki sentait en elle un appel de l’ailleurs, une transgression comme cela lui était arrivé il y avait déjà longtemps quand elle avait traversé le fleuve pour épouser Baki. Aujourd’hui les démons semblaient remonter à la surface. Baki, lui-même, à force de se moquer des pratiques ancestrales, se trouve à un point où il ne comprend plus rien. Il semble perdu. Il a peur et craint le pire.

Texte témoin
La Traversée nocturne, Ottawa, Malaïka, 2004, p. 115-16.




Le premier rêve de Baki

Il voit son fils

— Mais Baki craignait pire. La nuit d’avant, il avait fait un rêve on ne peut plus bizarre. Il avait vu son fils Vourma revenant vers lui, les mains liées dans le dos, les yeux sombres de terreur et d’angoisse, les traits endurcis et terreux. Il ne disait aucun mot, respirait bruyamment de sa bouche si sèche qu’elle se fendillait. Mais, ce n’était pas le Vourma qui l’avait quitté voilà maintenant plus de trente ans. C’était un homme déjà marqué par l’âge et les dures épreuves de la vie. Ses cheveux n’étaient pas ceux d’un être humain, il les avait longs, enroulés comme des cordes, mais image pétrifiante, ils ne retombaient pas sur ses épaules, restaient plutôt tendus en une érection irréductible vers le ciel obscur et menaçant.

L’Ancien combattant, à la vue de son fils avait crié le nom de ce dernier, avec tout le souffle de ses poumons. Il espérait ramener ainsi un peu de vie dans ses yeux de mort ambulant, mais en vain. Il cria si fort qu’Elema vint cogner à sa porte en bois, lui demandant ce qui lui arrivait.

— Baki, qu’est-ce qui te prend ?

— Non, rien. Va te coucher. J’ai seulement fait un mauvais rêve.

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