Jeanne-Marie Guyon

La vie de Mme Guyon écrite par elle-même

France   1700

Genre de texte

Contexte
Mme Guyon a rencontré un prêtre, l’abbé Lacombe, à qui elle confie sa vie spirituelle.

Le mont Tabor en Galilée est mentionné dans la Bible. Selon St Jerôme, ce serait le lieu de la transfiguration de Jésus. En opposant le Calvaire au Tabor, Mme Guyon affirme qu’elle est faite pour la souffrance plutôt que pour la gloire. Mais la suite de son rêve lui montre qu’elle est la préférée de Dieu.

Notes
Jeanne-Marie Guyon (1648-1717) a été une des figures principales du quiétisme, un mouvement qui connut un succès fulgurant dans les milieux catholiques de la fin du XVIIe siècle. D’abord protégée par Mme de Maintenon et Fénelon, elle sera en butte aux attaques de Bossuet et reléguée en prison, où elle finira ses jours. Elle a écrit de nombreux ouvrages qui baignent dans un doux mysticisme.

M. de Genève désigne ici un évêque avec qui Mme Guyon était en relation.

Pour Pierre Lepape, « Jeanne-Marie Guyon n’est qu’un prétexte, une pauvre femme dont le malheur est d’avoir ignoré les règles de bienséance, d’abstraction et de spéculation de la littérature religieuse. » (Le pays de la littérature, p. 255).

Texte témoin
La vie de Madame J.M.B. de La Mothe-Guyon, écrite par elle-même..., qui contient toutes les expériences de la vie intérieure, depuis ses commencements jusqu'à la plus haute consommation, avec toutes les directions relatives, (Cet ouvrage en 3 volumes est en fait une compilation de divers écrits). Paris, Les libraires associés, 1791, tome I, p. 274.




Songe d’une mystique

La croix me sera donnée

Quoique je n’eusse ni sentiment ni pensée de rien faire de positif, je me sentis poussée à lui dire ce qui m’étoit arrivé, & la pensée que j’avois pour Geneve depuis long-tems. Je lui contai même un songe qui m’avoit paru surnaturel, qui m’étoit arrivé la nuit de la Transfiguration, le sixiéme jour d’Août, un an, jour pour jour avant les vœux que je fis, dont je parlerai dans la suite. Il me sembla de voir l’ecclésiastique du logis avec mon fils le cadet, qui regardoit le ciel avec beaucoup d’admiration : ils s’écrierent, que le ciel étoit ouvert, ils me prioient d’y aller, qu’ils voyoient le Tabor & le Ciel ouvert. Je leur dis que je ne voulois pas y aller; que le Tabor n’étoit pas pour moi; qu’il ne me falloit que le Calvaire. Ils me pressérent si fort de sortir, que ne pouvant résister à leurs importunités je m’y rendis : je ne vis plus qu’un reste de lumiere; & en même tems je vis descendre du ciel une croix d’une grandeur démésurée. Je vis quantité de gens de toutes especes Prêtres, Religieux, qui faisoient effort pour l’empêcher de venir. Je ne faisois autre chose que de rester en ma place en paix, sans faire effort pour la prendre; mais je restois contente. Je l’apperçus qu’elle s’approchoit de moi: elle avoit avec elle un étendart de la même couleur que la croix: elle se vint jetter d’elle-même entre mes bras : je la reçus avec une extrême joie. Les Bénédictines ayant voulu me l’ôter, elle se retira de leurs mains pour se jetter dans les miennes.

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