Mme de Genlis

Les Chevaliers du cygne

France   1795

Genre de texte
roman

Contexte
Le rêve se trouve environ au premier tiers du roman.

Olivier confie à Béatrix qu’il a assassiné Célanire, son épouse, et que, pour cette raison, il refuse de l’épouser. Soulagé d’avoir dévoilé son crime et d’être resté fidèle à sa femme, il fait un songe revigorant.

Texte témoin
Paris, Maradan, 1811, p. 131-133.




Un rêve d’Olivier

Réconfort du rêve

Il gémissoit plus que jamais sur sa destinée; mais le sacrifice qu’il venoit de faire calmoit les reproches secrets de sa conscience agitée, et il éprouvoit qu’un pressant remords produit seul une terreur insupportable. à peine fut-il couché, qu’il lui sembla qu’une main invisible et bienfaisante versoit un baume salutaire sur les profondes blessures de son coeur; le calme de ses sens produisit en lui de nouveaux sentimens; son ame, pour quelques instans dégagée des passions humaines, s’éleva sans effort jusqu’à l’être suprême; la religion vint offrir à son esprit de touchantes consolations et de sublimes espérances; insensiblement ses idées devenant plus vagues, il tomba dans une douce rêverie; bientôt ses yeux appesantis se fermèrent, et il s’endormit profondément. Pour la première fois depuis son malheur, des songes heureux occupèrent son imagination; il crut être transporté dans un jardin délicieux au moment où l’aurore répandoit ses premiers rayons. Il se trouvoit au pied d’un sorbier, aux branches duquel étoient suspendues la tresse de cheveux, la chaîne d’or de Célanire et le collier de perles qu’il avoit reçu de Béatrix; il contemploit avec attendrissement ces offrandes de l’amour, lorsque les sons ravissans d’une musique céleste frappèrent ses oreilles et fixèrent son attention. Il leva les yeux vers le ciel; il aperçut un nuage brillant qui paroissoit s’approcher de lui, en imprimant une longue trace de lumière sur l’espace des cieux qu’il parcouroit; ce nuage, planant au-dessus du sorbier, s’arrêta, s’entr’ouvrit, et laissa voir une figure divine qui représenta dansle moment même à la pensée d’Olivier l’image adorée de Célanire et de Béatrix. Une voix mélodieuse fit entendre ces paroles : la justice éternelle est satisfaite; ton repentir et ta fidélité ont expié nos égaremens. à peine ces mots consolateurs étoient-ils prononcés, qu’Olivier vit près de lui Isambard et Béatrix, vêtus de longs habits de deuil, et se prosternant au pied du sorbier. Olivier reporta ses regards sur le nuage; il aperçut Célanire qui lui tendoit les bras; il voulut s’élancer vers elle : dans cet instant il se réveilla.

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