Timothy Findley

Headhunter

Canada   1993

Genre de texte
roman

Contexte
Ce récit de rêve se trouve au Chapitre 9, deuxième section. Amy Wylie, un poète obsédé par l’extermination d’oiseaux et d’animaux dans le but de protéger les humains d’une maladie fabriquée, a été internée récemment dans un hôpital psychiatrique. Un troupeau d’oiseaux à l’extérieur de sa chambre d’hôpital provoque ce rêve récurrent.

Notes
Eustace Wylie est le père d’Amy.
Tweedie est l’infirmière d’Amy.

Texte original

Texte témoin
Chasseur de têtes , trad. Nésida Loyer, Montréal : Boréal, 1996, p.509-510

Édition originale
Headhunter, Toronto : HarperCollins Publishers Inc., 1993, p.424-425




Rêve d’Amy

Les bisons

Les rêves maintenant. Les visions.

Une route aride, morne, avec des bisons qui marchaient devant elle. Quelqu’un — son père — les conduisait, mais les piqueurs qu’il avait embauchés, invisibles et sans noms. C’était le désert où Eustace Wylie était mort — un désert — une zone de guerre — un no man’s land dans un rêve où il était question d’un cauchemar. Des nuages de poussière rouge et jaune montaient dans l’air et y restaient en suspens avant de retomber doucement sur le sol comme un voile et de couvrir le dos des bisons et les bras, les mains, les cheveux d’Amy d’une patine d’or fin. Rouge. Doré. Un convoi de camions roulait en sens inverse, comme si le monde était évacué depuis une zone sinistrée plus loin devant. Sauf qu’il n’y avait personne d’autre dans les camions que les hommes qui les conduisaient, et ces hommes portaient tous des foulards pleins de sable agglutiné remontés sur la bouche et le nez. À l’arrière des camions, il y avait des machines géantes — jaunes mais non identifiables, avec de grands bras à godets, ainsi que des chaînes et des poulies.

Les veaux étaient sans arrêt distancés en raison de l’allure de la marche et bien des femelles restaient aussi en arrière pour retrouver leurs petits. Aucune des bêtes ne courait. Elles marchaient toutes, mourant de soif et d’épuisement.

Amy se voyait dans ce rêve—mais elle voyait aussi à travers les yeux de l’être qui était là, et qui cherchait à avancer. Elle avait peur de rester derrière comme les veaux, mais sa peur était engourdie par le poids de son corps et des sacs de graines qu’elle portait, tandis qu’elle tentait de soulever du sol et son corps et les sacs.

Dans ce rêve—tant de fois rêvé — elle n’arrivait jamais à destination. La route aride et morne semblait interminable. Le paysage qu’Amy traversait ne variait que lorsque, ça et là, elle apercevait dans les tourbillons de poussière l’image d’une haute clôture en planches — au sommet de laquelle courait un matou orange, parfaitement à l’aise, cherchant apparemment à rester en vue d’Amy. Wormwood. Dans le rêve cependant, elle ne pouvait se rappeler son nom.

Minou-minou-minou! criait-elle. Mais aucun son ne sortait de sa bouche. Juste l’impression d’un son — et la forme. Et la douleur au moment où elle devait l’arracher de sa gorge.

Et toujours, à la fin du rêve, Tweedie venait la réveiller.

Page d'accueil

- +